Un skatepark pas à niveau
Le skatepark du boulevard des Lices fait peine à voir. Un équipement pas adapté au nombre, ni aux pratiques des riders arlésiens. Si Luma prévoit une œuvre skatable aux Ateliers, la nouvelle génération espère que la ville se remette à niveau.
« C’est un skatepark créé par des personnes qui n’ont jamais skaté », juge Alicia 16 ans, skate à la main avec ses amis Djaoid et Mounir de 15 et 16 ans. Ils se rejoignent quasiment tous les jours ici, sur le petit skatepark de 430m² du boulevard des Lices. « Par contre, ce qui est bien, c’est qu’il est central, tout le monde peut venir facilement », apprécie-t-elle. Un point de ralliement entre potes, quelques petits modules, c’est déjà mieux que rien, même si l’espace ressemble plus à une garderie qu’à un lieu de sport extrême. « Le skatepark est trop petit », « on ne peut rien y faire », « il est mal construit », envoie Valério, 13 ans, « les rampes ne sont pas droites », enchaîne Louison, 12 ans. « Rien n’est à sa place, à part la barre », tranchent les utilisateurs. Encore plus problématique, le béton n’est pas à niveau : « dès qu’il pleut, y’a des flaques partout », montre Djaoid. Mounir ajoute : « regardez, là-bas, le module se sépare en deux, y’a de l’espace entre les deux planches ».
Ce skatepark, même un peu léger, est déjà une avancée. Depuis la disparition du skatepark du musée bleu, Arles ne proposait plus rien aux skateurs et autres trottinettistes. Celui-ci a été créé en 2010, avec 180 m² et quatre modules : un plan incliné, des murets et une barre en métal pour slider. Investissement : 32 000 €. Puis en 2019, la mairie l’agrandit à 430 m² et rajoute des modules pour 50 000 € financé à 70% par le département. A titre de comparaison, le skatepark de Beaucaire inauguré fin 2019, un équipement de référence pour les skateurs tant il est bien pensé, mesure 1000m² et a coûté environ 400 000 €, financé à 50% par la mairie.
Une skatepark aux Ateliers ?
A Arles, si les skateurs sont là, c’est parce qu’ils ne peuvent pas aller ailleurs. Au pied du parking des Lices, sur le muret qui entoure le skatepark, une folle rumeur circule. Alicia croit savoir qu’un nouveau skatepark est en prévision aux Ateliers : « Apparemment, ils prévoient un skatepark artistique aux Ateliers ». Mais les contours du projet sont encore flous. « On ne pourra pas skater dessus, ce sera juste artistique » imagine-t-elle. »Un skatepark artistique » ? Qu’est-ce que c’est que ça ? Nous avons voulu en savoir plus…
Aux Parc des Ateliers, la fondation Luma est en plein travaux pour aménager les espaces extérieurs. L’inauguration est prévue en mai. Prévoit-elle réellement l’installation d’un skatepark ? « Je peux vous donner l’info, il y aura une œuvre d’art », confirme Mustapha Bouhayati, directeur de Luma Arles. « C’est un peu inspiré de la naissance même du skate lors d’une année de sécheresse en Californie », déballe Mustapha Bouhayati faisant écho aux pionniers qui ont utilisé les piscines arrondies pour skater. Après quelques recherches, des croisements et des confirmations, c’est l’artiste sud-coréenne Koo qui a été choisie pour faire l’œuvre skatable des Ateliers.
« Ah mais je connais, Koo, c’est celle qui a fait le skatepark de Vassivière, j’y suis allé, c’est super joli, mais c’est un peu in-skatable » commente Ernest, 21 ans, se présentant avec humour comme un « skateur semi-pro ». « Je sens que ça va être stylé, mais dur à skater », anticipe-t-il. Avec ses potes, il est heureux de cette nouvelle, mais a encore plein de questions : « Est-ce que le skatepark ouvrira et fermera aux horaires du Parc des Ateliers ? Parce que skater, c’est aussi venir avec sa glacière à la fraîche pour passer la soirée ». Les skateurs des Lices ont beaucoup d’attentes mais peu d’informations : « on n’a pas de plan, ils ont fait ça en solo, pourtant, c’est nous qui allons l’utiliser, faut pas que ce soit seulement élitiste ». Le groupe regrette de n’avoir pas été consulté. Parce que des idées pour un futur skatepark, il y en a. « Il faudrait qu’il soit polyvalent et street. Et qu’il y ait un bol, un set de marche, un wall, des courbes », imagine Ernest, le »grand » du cercle de discussion, « et aussi qu »il soit aux normes pour les championnats, mais ça c’est un rêve ».
La fondation n’a pas envie de décevoir. Si elle veut garder la primeur de l’annonce et garder la maîtrise sur la révélation des plans, Mustapha Bouhayati préfère préciser : « A proprement parler, on peut se dire, y’a des lieux où l’action unique est d’être un skatepark. Là c’est une artiste qui fait une œuvre qui prend la forme et qui sera un skatepark. » Au moins, ça a le mérite d’être presque clair. Pour être précis, il faudra attendre encore un peu.
Un skatepark public en attente
Ce qui est sûr, c’est que l’installation de Luma ne comblera pas les envies. Nel, étudiant de Mopa de 19 ans, fait remarquer que Luma, « ils font ce qu’ils veulent, limite c’est de l’argent privé, 100% privé. Donc pour nous y’a encore moyen d’aller négocier avec la mairie », déduit-il. D’ailleurs, le maire Patrick de Carolis s’engageait dans son programme à « construire un skatepark qui soit moderne, adapté à tous les niveaux, et à tous les types de glisses : BMX, skate, rollers et trottinette », peut-on encore lire sur son site de campagne. Contactés, la mairie d’Arles et ses élus sont restés silencieux.
Pour l’heure, les skateurs manquent de place. Et cherchent d’autres lieux où s’exercer, comme la place de la mairie dont le parvis propose une glisse parfaite. Mais « on se fait virer tout le temps », regrette Nel. « L’autre jour, une commerçante nous a dit qu’elle allait faire passer un arrêté pour nous interdire de skater sur la place ». Nel a essayé de négocier avec la commerçante qui lui répondait : « c’est pas mon problème ». « Est-ce que ce serait pas plus intelligent que vous nous aidiez à faire une pétition pour avoir un nouveau skatepark et trouver une solution », lui a-t-il répondu. Quand il était »petit » skateur, Ernest se souvient que »les grands » avaient obtenu un rendez-vous à la mairie. Six ans plus tard le skatepark actuel voyait le jour. Et pour demain, que va faire la génération actuelle de riders ? Et quelles seront les réponses des pouvoirs publics ?
Maë Adrien-Folliot
Nos ventes sont une belle part de notre chiffre d’affaires, mais ça ne suffit pas. Sans financement des collectivités territoriales, sans publicité, l’Arlésienne a besoin de vous. Pour l’existence du journal : les dons sont essentiels. Et pour avoir de la visibilité et prévoir nos enquêtes en fonction des moyens disponibles, le don mensuel, fidèle et ancré, reste la panacée de l’Hauture, la quintessence de la Camargue, le cœur de l’artichaut.