Rayonner les origines du monde
Yacine Zouaoui est propriétaire de l’Intermarché du centre de Beaucaire depuis 15 ans. Il a adapté son offre à la population de la ville et devient un repère notamment pour la communauté latino-américaine. Et une ouverture sur le monde pour tous.
« Le produit qui marche le mieux, ce sont les platanos, des chips de banane plantain, salées, sucrées, piquantes », explique Yacine Zouaoui pour l’anecdote. « Ça se consomme comme une chips normale ou dans la soupe comme nous on consommerait des croûtons », poursuit le propriétaire du magasin du boulevard Maréchal Foch à Beaucaire. Désormais connaisseur de la gastronomie d’Amérique du Sud. Dans son magasin au fond à droite, ce sont plus de 600 références de produits destinés aux consommateurs latino-américains. 25m², soit 5 % de la surface qui représente 15 % du chiffre d’affaires de son Intermarché de centre-ville. « On est des commerçants de proximité, notre rôle étant de nous adapter à notre clientèle qui est dans notre zone primaire. Dans le centre de Beaucaire aujourd’hui il y a une grande partie de la population qui est d’Amérique latine ou maghrébine. J’ai à un moment testé quelques produits que je suis allé chercher auprès d’ importateurs en Espagne… On a vu qu’il y avait un bon retour, après le commerçant prend le pas. Et on a développé. »
⏶ Yacine Zouaoui consacre 5% de la surface de son magasin aux produits latinos
qui lui rapportent 15% de son chiffre d’affaires. Photo : Ali
Côté Maghreb, le magasin propose « le principal » : une « petite offre halal », le classique kachir (lait fermenté, ndlr) et quelques panés. Mais l’Inter joue la complémentarité : « sur Beaucaire y’avait déjà ce qu’il fallait, y’avait pas mal de boucheries, d’épiceries ». C’est le côté latino qui rend le magasin exceptionnel. Ici, des produits qu’on ne trouve « nulle part ailleurs », affirme l’adhérent Intermarché, nom qu’on donne aux sociétaires patrons de l’enseigne. Un choix de produits, qui, contrairement à des enseignes comme Casino ou Carrefour, a le loisir d’aller chercher d’autres produits que ceux proposés par les centrales d’achats de la maison mère.
Dans l’angle latino, ce que le directeur appelle de « l’épicerie sucrée » : café, gâteaux, confitures, bonbons. De l’épicerie salée : riz, pâtes, sauces chaudes, sauces froides, de la farine. « Les grains qui sont spécifiques à l’Amérique latine, tout ce qui est haricot rouge, haricot noir. » Et dernièrement, une novuelle gamme de produit frais : chorizo colombien, arepas, du fromage latino, des boissons… des sodas, des jus de fruit. Et des produits surgelés. « Donc on a une gamme complète. » Des produits qui font venir des clients de « très loin » : Orange, Carpentras, Cavaillon, Montpellier, Nîmes, Saint-Gilles, Saint-Martin-de-Crau, Martigues, « j’en ai même qui viennent de Marseille, une fois j’en ai qui sont venues de Lyon ».
Autre nouveauté dans le magasin, des découpes de viandes particulières pour les besoins de « la cuisine d’Amérique latine. Notamment proposer dans la mesure où ils mangent des soupes toute l’année. Donc on va trouver de la poule, des pieds de veau, du gras double, alors que dans un autre magasin, classique, on ne trouvera pas ce genre de produits toute l’année. » D’ailleurs, le commerçant est devenu client de Sabor latino, le restaurant rue Nationale qui propose le fameux encebollado, une soupe équatorienne à base de poissons et de fruits de mer présentée comme la meilleure soupe au monde dans certains guides culinaires.
En 2022, « au début, on a un peu pataugé dans la semoule, on faisait des produits pour les Dominicains, les Colombiens, alors qu’à Beaucaire, il y avait 95 % d’Equatoriens et les habitudes ne sont pas les mêmes, donc ça ne marchait pas. Mais ces dernières années, la population s’est diversifiée, y’a beaucoup de Colombiens qui sont arrivés cette année, et maintenant, sur Beaucaire il y a des Péruviens, des Boliviens, des Colombiens, des Paraguayens, des Dominicains, donc c’est plus facile de tomber juste » Les arepas ? « Plutôt Colombiens comme les empanadas. » Les graines ? « Le maïs (le mote), tout ce qui est grain on va être plutôt sur une consommation équatorienne », répond-il du tac au tac.
« Notre clientèle, elle est à l’image de la ville de Beaucaire, il y a de la mixité, des gens viennent d’un petit peu toutes les parties du monde, du Maghreb, de toute l’Europe, beaucoup d’origines espagnoles, portugaises, des gens qui viennent d’Europe de l’Est : des Ukrainiens, des Polonais et puis voilà ces dix dernières années, l’arrivée massive des gens qui viennent d’Amérique du sud. »
« Je viens de la région parisienne, du 9.3, la Seine Saint-Denis, donc j’ai l’habitude de la mixité », sourit Yacine.
Au départ, il commandait les produits sur internet, puis s’est fait aider par un commercial d’un grossiste espagnol. Puis a passé le cap, en allant en Équateur, trois fois. « Je me baladais dans les supermarchés, dans les boucheries, j’allais en vacances aussi. à chaque fois, atterri à Guayaquil, puis après je me balade. » Une ville portuaire, la Mecque de l’encebollado, un peu comme Marseille et sa bouillabaisse. Avec des chips de banane comme croûtons de pain. 🍽
Beaucaire, ville-monde
Depuis des années, l’Arlésienne traverse le Rhône pour raconter la réalité de Beaucaire et ses alentours. Nous avons travaillé la question
du travail agricole et de l’arrivée de nouvelles populations, notamment d’Amérique latine. En 2024, nous réalisons une résidence journalistique
à Beaucaire, que nous avons appelée « Carrefour des cultures ». Durant le mois de mars, nous avons travaillé avec le collège Eugène Vigne et
son équipe pédagogique ainsi qu’avec des habitants de toute la ville le mercredi après-midi. Une action co-financée par la Drac Occitanie
soit le ministère de la culture en régions, dans le cadre de ses appels à projet de résidence de journalistes et l’association la rédaction, éditrice
de l’Arlésienne. Au collège : fanzine, défilé de mode, fiction sonore, affiches. Cet article est une partie du travail réalisé hors cadre scolaire.
À Beaucaire, le travail continue et continuera.
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