Sélectionner une page

Barriol. Un permis opaque et hors réglementation pour un centre de santé “Chaumoitre”

Barriol. Un permis opaque et hors réglementation pour un centre de santé “Chaumoitre”

Dans la plus grande discrétion, un permis de construire pour un pôle médical au rond-point de Barriol a été validé le 25 avril dernier au mépris des règles du Plan local d’urbanisme. La municipalité et les acteurs du projet sont peu enclins à expliquer le dossier, dont plusieurs éléments semblent compromettants.

À Arles, il faut être attentif. Du jour au lendemain, les permis de construire délivrés par la mairie apparaissent à la surprise des riverains. C’est le cas pour celui d’un centre de soin au rond-point d’entrée du quartier de Barriol. Aucune annonce, zéro information, alors que le périmètre est pourtant celui de la rénovation urbaine, financée par l’État, qui impose aux pouvoirs publics des concertations. À propos, lors de la réunion de concertation du 13 novembre dernier, la construction d’un centre de santé était avancée mais pas à cet emplacement. Le centre évoqué était situé au cœur de quartier de Barriol conformément aux attentes des habitants confirmé par leurs interventions. Ce jour là, Patrick De Carolis, maire et président de la communauté d’agglomération (ACCM) et Sophie Aspord, son adjointe à l’urbanisme, étaient à la tribune. Visiblement, sans prévenir, les plans ont changé.

Sur place, 11 rue Fernand Benoît, derrière le permis de construire, le lieu intitulé “Centre plan du bourg” accueille déjà un bâtiment tourné vers la médecine avec une pharmacie et différents cabinets, notamment d’une kinésithérapeute. Sur le portail, un panneau indique “Démolition d’une pharmacie et d’un auvent, création d’un pôle médical composé d’une pharmacie en rez-de-chaussée et de bureaux de médecins libéraux” dans les deux étages supérieurs. Le premier indice pour comprendre le projet est le numéro de permis de construire affiché : 013 004 24 R0105. C’est un droit d’information à tous les citoyens qui en font la demande, le service urbanisme de la ville nous a transmis le dossier.

Dans les 30 pages de l’arrêté d’autorisation et ses pièces complémentaires, le projet est abordé plus en détails. Il s’agit d’un centre de soins à horaires élargis (CHE) porté par l’entreprise SCIA pôle médical Arles représenté par Jérémie Chaumoitre, entrepreneur déjà à l’origine d’une trentaine de centres médicaux en Provence et dans l’Ouest.

En contradiction avec le PLU

Tout d’abord, c’est une démolition et reconstruction. Le bâtiment pourrait être reconstruit à l’identique sans respecter le Plan local d’urbanisme en vigueur. Mais avec 771m² de création de surface de plancher et deux étages en plus, le bâtiment est loin d’être identique. “Ne peut être regardée comme identique une reconstruction d’un bâtiment dont les dimensions sont différentes et plus importantes que celles du bâtiment initial”, précise Maitre Mélanie Laplace, rappelant une décision du tribunal administratif de Rennes du 10 mars 2005. En jetant un œil au PLU (Plan Local d’Urbanisme), autrement dit les règles qui régissent chaque nouvelle construction – le document qui permet de dire qu’un permis est légal ou non – quelques incohérences sautent aux yeux. Le pôle médical surpassera nécessairement la hauteur du second bâtiment du plan du bourg. Ce dernier est actuellement espacé d’un petit mètre de la pharmacie, une distance insuffisante selon le PLU en vigueur, qui prévoit une distance minimale de 3 mètres et 7 pour une construction de 14 mètres, comme c’est le cas pour notre super-centre de santé.

Se garer ne va pas être chose aisée si le projet aboutit. Les normes de stationnement du PLU (art 7.2) prévoient : “Pour les constructions à usage de bureaux ou de services : 1 place de stationnement par tranche entamée de 30 m² de surface de plancher”. Le permis de construire prévoit une surface de plancher créée de 771,5 m2, avec la pharmacie au rez-de-chaussée et le pôle médical au premier et deuxième étage. Le projet nécessite donc 18 places rien que pour le centre de soins, sans compter l’augmentation de la superficie de la pharmacie. Le plan indique la présence de 40 places de parking sur la future parcelle contre 38 actuellement au sein du “centre du plan du bourg”. Deux places créées pour plus de 500 m2 de surface visant à accueillir de la clientèle/patientèle, cela paraît peu. 

Pourquoi ne pas faire un centre de soins plus petit conforme aux réglementations ? Pourquoi maximiser les mètres carrés au mépris des règles d’urbanisme ? Comme le dit l’adage arlésien : plus on en met plus on en gagne ! Et ça marche aussi pour les investisseurs des centres médicaux.

Images de synthèse du projet de Centre à horaires élargis au 11 rue Fernand Benoit. Voir le permis et voir les différents plans.

 

Mutisme des acteurs du projet

Face à ces questionnements, nous avons sollicité la signataire du permis de construire, Sophie Aspord, adjointe au maire déléguée à l’urbanisme, aménagement du territoire, foncier et patrimoine. Cette dernière n’a pas souhaité nous répondre, avançant dans un premier temps ne plus avoir connaissance du dossier tamponné 17 jours auparavant, puis en déclinant nos multiples sollicitations en raison de “déplacements” ou encore en ne répondant plus.

Le propriétaire du permis ne s’est lui non plus pas montré très loquace. Jérémie Chaumoitre n’a pas souhaité nous accorder un entretien, avançant par écrit que “le dossier financier n’est pas finalisé”. Et pour cause, l’entreprise SCIA pôle médical Arles n’existe tout simplement pas, le permis de construire ayant été déposé avant l’achat de l’emplacement et la création de l’entité. Cela est tout à fait autorisé par le code de l’urbanisme mais ne permet pas de démarrer les travaux.

Les gérants de la pharmacie du cirque romain, propriété de Michel Mastrantuono avec d’autres associés, nous ont confirmé qu’ils ne seraient plus propriétaires de la future pharmacie et nous ont suggéré de s’adresser à la pharmacie de Barriol pour en savoir plus. La propriétaire de cette dernière, Chloé Alvi, botte également en touche, assurant que les informations sont “confidentielles”, lorsque nous avons abordé le sujet pour la première fois. Quelques jours plus tard, la pharmacienne s’est montrée agacée, précisant “ne pas vouloir ni parler ni que le sujet sorte”. Avec seulement un dépôt de permis, ce centre de soin a déjà des vitres bien opaques.

 

Visualisation du projet de centre de soins non programmé « SCIA Pôle médical Arles ».

Centres à horaires élargis, développement à tout prix

Sous l’impulsion notamment de Jérémie Chaumoitre, les centres de soins à horaires élargis (CHE) se multiplient dans la région depuis une quinzaine d’années. On décompte 33 de ses centres en France dont 25 rien qu’en région Paca. Ouverts sept jours sur sept y compris les jours fériés, de 9h à 22h, ils se présentent comme une solution efficace pour pallier à la fois aux déserts médicaux et au surchargement des urgences. Les centres de soins non programmés (CSNP), dont font partie les CHE, ont fait l’objet d’une régulation par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) en décembre dernier. La nouvelle convention médicale a plafonné la majoration à 5 euros au-delà du tarif de base des consultations. Le tarif dans ces centres est désormais de 35 euros alors qu’ils s’élevaient auparavant à 61,50 euros après 20 heures et 45,56 euros les week-ends et jours fériés.

Et à Arles, la demande est forte, la ville a perdu une vingtaine de médecins généralistes ces dernières années. Comme développé dans le numéro de printemps 2025 de l’Arlésienne, le taux de patients de plus de 17 ans sans médecins traitant s’élevait à 14,2% sur la commune en 2024, contre 11,4% au niveau national. Mais ces centres n’assurent justement pas le suivi, pourtant crucial, des patients. Cela implique moins de prévention ou des traitements parfois inadaptés. Cela est sans compter le modèle économique de ces centres basés sur la quantité, où les médecins y accordent des rendez-vous de dix à quinze minutes, permettant de faire défiler environ 80 patients par jour.

Cette apparition d’un centre de santé illustre un peu plus le manque de planification de l’offre de soin à Arles. Quid de la maison de santé, version publique des centres de santé Chaumoitre, demandée à Barriol par les médecins installés en cœur de quartier. Quid de la complémentarité avec le projet de centre de santé sur le parking Chabourlet situé à 200 mètres à vol d’oiseau. Tout se passe comme si le mastodonte du secteur voulait prendre sa part du gâteau du marché du désert médical arlésien. Et visiblement, à Arles, l’avenir appartient à ceux qui peuvent obtenir des permis de construire hors des clous. Le tout dans une opacité qui n’honore pas la chose publique.

Haron Leveau

 

L'Arlésienne : gazette – gazette – anisette

Nos ventes sont une belle part de notre chiffre d’affaires, mais ça ne suffit pas. Sans financement des collectivités territoriales, sans publicité, l’Arlésienne a besoin de vous. Pour l’existence du journal : les dons sont essentiels. Et pour avoir de la visibilité et prévoir nos enquêtes en fonction des moyens disponibles, le don mensuel, fidèle et ancré, reste la panacée de l’Hauture, la quintessence de la Camargue, le cœur de l’artichaut.

Catalogue

Lettres d’infos

M’abonner

Faire un don