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Le premier tour le plus ouvert de l’histoire

Après 19 ans au poste, Hervé Schiavetti laisse le bureau de maire et toutes les fenêtres sont ouvertes aux nombreux prétendants. Dix listes se présentent contre sept en 2014 pour un nouvel échiquier difficile à lire. Toutes les formations vont se lancer dans la campagne pour une élection inédite.

Bien malin qui peut prédire le résultat au soir du premier tour. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Arlésienne a lancé le Parions élections, jeu de pronostic en ligne. Pour savoir si un Nostradamus se cache parmi nos lecteurs.Lors des élections municipales de 2014, au premier tour, l’électorat arlésien penchait à droite. Les deux listes à droite pesaient 7 036 voix (30,46 % des votes exprimés) et le Front national réalisait 5 621 voix (24,34 %) soit 54,8 % au total. A gauche, les quatre listes réalisaient 10 428 voix, soit 45,15 %. Au second tour, lors de la triangulaire, Cyril Juglaret se maintenait pour ne pas donner la ville à l’extrême droite. « J’ai refusé de pactiser avec le diable, même de m’asseoir à sa table », revendique le candidat investi par Les Républicains, les Centristes et le Mouvement de la ruralité (ex Chasse pêche nature et tradition).

A droite, les équipes de tracteurs de Nicolas Koukas (Parti des Arlésiens, encarté PC), croisent Christophe Chaine (Arles en commun – LFI + NPA). A gauche, les tracteurs et tracteuses de Cyril Juglaret chassent en meute. Photos E.B.

Divisions à droite
Aujourd’hui, quand on lui parle dispersion à droite avec un électorat qui pourrait se diviser entre la candidature de Patrick de Carolis, soutenu par Agir, les alliés de droite d’En marche, et Monica Michel, la députée La république en marche dont le parti séduit une partie de l’électorat, il répond : « A Arles, la droite est unie. » Selon Cyril Juglaret, il serait la seule liste à droite, aux côtés de « six partis à gauche, deux candidatures pro-gouvernementales et une d’extrême droite ». Pourtant, un ancien colistier, l’ancien premier secrétaire du Front national de la circonscription d’Arles Erick Souque dont il s’est séparé durant la mandature, est passé côté Patrick de Carolis.
Monica Michel, la députée, qui ne revendique pas son appartenance à En marche sur son affiche, manque cruellement de notoriété sur la commune malgré « 35 ans de vie à Arles ». A sa présentation en salle des fêtes, une cinquantaine d’opposants claquaient rouge bannière, dehors, pour lui rappeler son appartenance au parti gouvernemental, quand à l’intérieur, 174 personnes, selon notre comptage, venaient écouter la candidate. C’est peu face à un Patrick de Carolis ou un Cyril Juglaret qui ont tous deux fait déborder cette même salle avec une jauge de 800 à 1 000 personnes.

Le score que va réaliser Patrick de Carolis est une énigme. S’il attire la lumière, il se présente après avoir été condamné pour favoritisme après avoir personnellement – contrairement à ce qu’il raconte et c’est le jugement qui le précise – favorisé l’entreprise Bygmalion. Mais les « qui n’a pas croqué ? » ou « les autres c’est pire », fusent sur le marché, dans les commerces ou chez les médecins. Difficile de dire si sa condamnation va s’éclipser derrière son langage châtié et sa langue poétique qui font dire à certains « c’est le seul à prendre de la hauteur ». Le résultat au soir du premier tour permettra de savoir à quel point sa notoriété conquise par une carrière audiovisuelle paye dans les urnes. Pour l’heure, il attire à droite avec son slogan : « remettre la maison Arles en ordre » et veut se montrer neuf en tapant à longueur de discours sur les élus sortants. Comme pour se créer un ennemi imaginaire, il commence ses discours par « n’écoutez pas les rumeurs et les mauvaises langues », sans préciser ni de qui ni de quoi il parle. Flou, comme ses propositions qu’il ne détaille ni ne chiffre…

A l’inverse, Stéphane Hédouin n’est jamais passé à la télévision. S’il a des propositions grandiloquentes sur des halles ou un nouveau pont sur le Rhône, peu d’Arlésiens semblent l’entendre. Disons juste que l’ancien élu de la Chambre de commerce et d’industrie du Pays d’Arles est passé par le Modem puis LREM. Puis a préféré s’affubler du qualificatif citoyen pour nommer sa liste. Sur l’échiquier politique, la rédaction le place donc entre Monica Michel LREM et David Grzyb, ex-PS, plutôt centre-gauche si on devait le classer.

L’extrême droite n’a pas envoyé un jeune fringant qui maîtrise sa communication comme à Beaucaire. C’est même l’inverse. Bien que sympathique dans l’échange, Jean-Louis Limonta, l’agriculteur mas-thibertais de 79 ans, se montre dans le fond plutôt inquiétant. De son refus de reconnaître le rôle de l’homme dans le réchauffement climatique à son ignorance de l’ouverture de Shopping promenade en zone Nord, sa prestation sur le plateau de Radio Pays d’Arles est à la fois drôle et effrayante. A la fin de l’émission, il lâche qu’il a été militant d’Ordre nouveau, un mouvement néo-fasciste qui utilisait la croix celtique comme emblème dans les années 1970. C’est l’ancienne garde du Front national, un enfant arraché à sa Tunisie natale quand elle était encore une colonie française. Le parti réalisera-t-il un bon score comme lors de toutes les dernières élections ? Pas si sûr, surtout en s’invitant sur le terrain au dernier moment, début mars. Une chose est certaine, « nous ne nous retirerons pour aucune liste au second tour », martèle Jean-Louis Limonta. Encore faudrait-il réaliser les 10 % des suffrages exprimés soit environ 2 602 voix(1).

A gauche, derrière une tracteuse de Lutte ouvrière, deux de Carolis s’activent. A droite, un tracteur de Monica Michel au grand sourire est plein d’amour. Ph. E.B.

Divisions à gauche
A gauche aussi, les forces sont divisées. En 2014 au premier tour, Hervé Schiavetti, maire alors apprécié, emportait un petit plébiscite avec 37,95 %. Les petits scores de Christian Lhere (NPA), Driss Bouhaja (présenté comme candidat des quartiers en 2014 puis passé au FN en 2015) et Guy Dubost (Lutte ouvrière), à nouveau candidat cette année, ont soustrait seulement 7,22 % à la liste d’union à gauche où Schiavetti était le fameux dénominateur commun entre le PC, le PS et les écologistes.

Mais cette année, la gauche n’a pas su unir ses forces et il faudra partager l’électorat. Qui va le plus rassembler ? Il y a David Grzyb, sans étiquette mais longtemps PS, Nicolas Koukas, encarté au Parti communiste et revendiquant une liste ouverte même à des colistiers de droite, la liste écolo-citoyenne de Changeons d’avenir portée par Cyril Girard, l’alliance de la France insoumise et du NPA autour de Christophe Chaine et encore et enfin et toujours Lutte ouvrière de Guy Dubost.

Devant le danger de la dispersion et d’une arrivée en position de faiblesse au second tour, tout le monde accuse l’autre de ne pas avoir voulu s’unir. A coups de « je suis le seul à pouvoir rassembler et être en mesure de l’emporter », « nous sommes la seule liste à gauche » ou « je fais mon programme et si vous venez c’est derrière moi », personne ne s’est mis d’accord.

David Grzyb a été sans équivoque. « Si je n’ai pas le manche de l’avion, je rentre à la maison », a-t-il promis. Il s’effacera « sans négocier quoi que ce soit » au probable profit du candidat le mieux placé à gauche pour remporter la ville, « je ne serai premier adjoint de personne. Je prendrai mes responsabilités. » Le premier tour, c’est un peu un duel entre David Grzyb et Nicolas Koukas empêché par des nouveaux joueurs. Les écolos utopistes de Changeons d’avenir espèrent bien mobiliser tous ceux qui veulent faire de l’environnement une priorité totale et jouent leur chance de se qualifier pour le second tour. « Sinon on ne serait pas là », affirme Cyril Girard, leur tête de liste. La France insoumise de Christophe Chaine compte bien « répondre à une envie, un besoin de l’électorat » : aux dernières élections européennes, la liste France insoumise portée par Manon Aubry au niveau national avait pesé à Arles 1 559 voix soit 8,77 %.

Toujours est-il qu’il faudra se répartir les 45 % des voix exprimées que rassemble la gauche traditionnellement. Sauf si une partie de l’ancien électorat « sympathie » d’Hervé Schiavetti se reporte sur un vote « prestige télévisuel » de Patrick de Carolis ou « nouvelle approche » de Monica Michel ?

Le rassemblement paiera
Selon le report des voix, la gauche peut jouer le coup du rassemblement et l’emporter au second tour si la droite reste divisée. Si le Rassemblement national passe au second tour et s’il se maintient, c’est l’échec quasi assuré de la droite si la gauche se rassemble. Et avec des si… Dans les scénarios les plus fous, trois listes sont capables de passer dans chaque grand camp. A ce moment-là, la liste qui pourra créer l’alliance la plus large sera aux affaires de la ville. Des élections, c’est en fait tristement simple, elles finissent toujours par des additions et des soustractions. Même si elles ne sont pas toujours logiques.

Eric Besatti

1 : 2 602 voix soit 10 % des votes exprimés au premier tour des élections de 2020 calculés à partir du scénario de 70 % de participation contre 63,29 % en 2014 dans lequel 4 % auraient voté blanc ou nul contre 3,04 % en 2014 avec un nombre d’inscrits de 37 181 en 2020 contre 37 619 en 2014.

 

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