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Parc de Camargue : bras de fer à propos de la ligne très haute tension

Parc de Camargue : bras de fer à propos de la ligne très haute tension

Le 2 octobre, la dernière réunion du comité syndical du Parc régional naturel de Camargue était le théâtre de vifs échanges entre la présidente, Anne Claudius-Petit, et les élus arlésiens qui lui reprochent de ne pas suffisamment défendre les intérêts du Parc. Quelques jours plus tôt, le tracé définitif du projet de ligne très haute tension porté par RTE était validé, sous conditions, en préfecture. Alors que c’est interdit par la charte du Parc, son fuseau en traverse le périmètre sur une quinzaine de kilomètres. 

« Monsieur le maire, si des élus continuent à dire que des gens qui n’habitent pas la Camargue n’ont pas leur mot à dire, je pose ma démission”. La menace formulée par Anne Claudius-Petit portait le débat autour de la ligne THT à un point critique. Alors que le maire d’Arles regrettait la discrétion du Parc face au projet, Eva Cardini, élue arlésienne adjointe à Salin-de-Giraud, a dénoncé le départ futur du préfet régional, Christophe Mirmand : “Donc ce monsieur va partir de notre territoire, il s’en fout de notre territoire il va défigurer la Camargue […]. Donc lui il s’en va, dans un mois vous allez tous partir, vous allez retourner dans vos coins d’où vous arrivez, parce qu’il y a la moitié, ils prennent des décisions, ils ne sont même pas de la Camargue.” Une attaque que la présidente du Parc, élue régionale, a pris personnellement. Visiblement bouleversée, elle s’est exclamée : “J’ai autre chose à faire que de faire 200km aller-retour pour m’occuper de ce Parc ! Je pourrais m’investir plus largement sur ma commune, qui est Marseille. Donc les Arlésiens, si vous voulez, reprenez là la présidence du Parc ! Reprenez là,je vous en prie ! Gérez la révision de la charte, gérez le budget, gérez les difficultés financières du Parc. Qui est candidat pour reprendre la présidence du Parc ? Y a aucun problème, dites-moi.”

Un tracé définitif qui traverse le Parc de Camargue
Le 27 septembre, le tracé définitif dit “de moindre impact” du projet de ligne THT était présenté en préfecture à Marseille. Le préfet a validé ce choix, en demandant cependant des études complémentaires et en acceptant l’organisation d’un débat citoyen par la Commission nationale du débat public. Le fuseau choisi par RTE traverse le parc de Camargue sur plus de 15 kilomètres. Pourtant, la charte actuelle du Parc interdit toute installation de pylônes en son sein, comme l’a rappelé un avis publié par le PNR en septembre 2023. Mais, depuis l’émission de cet avis, cette position réglementaire a été peu défendue par la présidente. Ainsi, en mars 2024, l’ensemble des gestionnaires des espaces naturels des Alpilles, de la Crau et de la Camargue a publié une note commune d’opposition au projet de ligne THT. L’absence de signature du PNRC a alors été particulièrement remarquée. Un silence critiqué par le maire d’Arles : “La commune d’Arles est dans un Parc qui visiblement ne défend pas les intérêts de ses communes en la matière. […] Je regrette votre silence. J’ai assisté à beaucoup de réunions de concertation, je n’ai jamais entendu votre voix […]  Ce n’est pas en se taisant, ce n’est pas en fermant les yeux et en se bouchant les oreilles qu’on arrivera à négocier quelque chose de plus favorable pour notre territoire”.

Carte du tracé définitif choisi pour la ligne THT – en vert les limites des PNR

Anne Claudius-Petit était présente lors de la réunion en préfecture. “Sa position était très ambiguë” rapporte Jean-Luc Moya, membre de l’association Agir pour la Crau. “Elle a rappelé le fait que le projet était d’intérêt général et a évoqué la mise en place de compensations. C’est complètement contradictoire avec la charte et pour moi c’est inquiétant. Ce n’est pas à la hauteur de l’ambition d’une présidente de Parc. Mais elle est aussi élue à la Région, qui est favorable au projet. Sa position est intenable ». Jean-Luc Moya est particulièrement inquiet quant à l’impact sur la biodiversité et en particulier l’avifaune. “La ligne traverse un couloir de migrations, avec plus d’une trentaine d’espèces protégées. Pour moi, c’est inconcevable de laisser passer cette ligne en Camargue et en Crau, au sein d’une réserve de biosphère reconnue à l’échelle internationale”.

Charte limitée, présidente ambivalente
Face aux accusations, la présidente rappelle qu’ils ont, tous ensemble, voté un avis défavorable au passage de la ligne dans le Parc, en vertu de sa charte. “La charte aujourd’hui elle interdit, elle est prescriptive sur le fait d’accueillir sur son territoire ce type d’infrastructure”. Mais la portée de la charte du Parc est limitée : elle arrive à échéance en février 2026. La nouvelle charte du Parc ne sera pas prête. Sa révision, retardée par la crise ayant paralysé le PNR en 2022, vient seulement de commencer. (Lire à ce propos notre article « Parc de Camargue : une renaissance contre vents et marées« , en accès payant sur le site ou dans l’Arlésienne 21, actuellement en kiosque). 2026, c’est aussi l’année de la déclaration d’utilité publique prévue pour la ligne THT, dont les travaux doivent commencer en 2027.

Alors, ces derniers mois, la présidente et le directeur du Parc, Christophe Fontfreyde, ont dialogué avec l’entreprise RTE à propos du tracé : “Ce que j’ai essayé de faire, avec le pouvoir qu’on a qui est relativement limité, c’est de faire reconnaître les problématiques qui sont celles du Parc, c’est-à-dire de minimiser l’impact sur la biodiversité. […] Notamment pour la traversée du Rhône d’éviter un certain nombre de zones sensibles identifiées sur la cartographie du parc.” Elle ajoute : “Ce projet, je pense pour ma part, qu’il est quand même d’intérêt national. […] La question qui nous a été posée, je vous le rappelle, ce n’est pas: “Est-ce que vous acceptez la ligne RTE ou pas?”. C’est : “Où est-ce qu’on la fait passer?” Ce projet nous échappe. Ce n’est pas nous qui décidons de le prendre ou pas”. Et à propos du positionnement des élus, elle commente : “Cela s’appelle “not in my backyard”, c’est-à-dire “pas dans mon jardin” donc vous voulez le traitement des déchets mais pas chez vous, produire de l’énergie, mais pas chez vous, vous voulez la ligne mais pas chez vous”. Un jardin qui, en l’occurrence, est aussi une réserve de biosphère reconnue par l’Unesco.

Clémentine Morot-Sir

 

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