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Le casino : compte rendu des débats du conseil municipal

Le casino : compte rendu des débats du conseil municipal

Ce mercredi 16 octobre se jouait une page de l’histoire de la ville. Le conseil municipal a voté pour le lancement de l’appel d’offres pour l’installation du complexe casinotier à Trinquetaille. Loin de faire l’unanimité, la délibération va permettre de choisir le délégataire avant les élections. Résumé des interventions en conseil municipal.

Croisé dans la rue quelques jours avant le vote, Michel Vauzelle, ancien maire d’Arles nous rapportait une anecdote à propos du casino. « Vous savez, quand j’ai été élu maire en 1995, la première personne qui est rentrée dans mon bureau, c’était pour me proposer de construire un casino et je l’ai reconduit aussitôt. Je ne voulais pas politiquement ». Un peu plus loin, un ancien cadre de la mairie commentait la situation. « Effectivement, la ville a besoin d’argent, mais le casino, c’est la facilité. Mais qui avait une autre idée ? Patrick Chauvin est arrivé avec un investisseur à 50 millions d’euros, aucun autre élu n’avait mieux à proposer ».

C’est quasi inaudible. Au prochain conseil, on demande de brancher notre enregistreur sur la sono de la mairie.

Résumé des interventions lors du conseil municipal.

Christian Mourisard (PS), élu au patrimoine et au tourisme, se pose la question de la pertinence d’un tel équipement, casino avec hôtel 5 étoiles et salle de spectacle de 800 places, face aux 40 hôtels et 4000 lits que compte déjà le territoire. De plus, il questionne l’étude de douze pages « complaisante par rapport au projet », qui ne répond pas à la question de ce « qu’apporte un tel équipement au territoire ». L’élu socialiste s’est dit « surpris de la précipitation », avec laquelle cette délibération est votée.

Muriel Boualem (LR), quant-à elle, n’a pas compris le changement de point de vue des élus face à un accord de principe pour la réalisation d’un complexe casinotier voté à l’unanimité en juin 2018, Pierre Vetillart, élu du groupe Socialistes et apparentés, n’ayant pas pris part au vote. « Je ne comprends pas vos réticences, le maire ayant pris le soin de s’assurer de la signature d’un architecte reconnu (le maire évoque le nom de Rudy Ricciotti dans ses conversations privées, ndlr). »

Nicolas Koukas (groupe Vive Arles, celui du maire, candidat) a regretté le manque de « pédagogie sur le sujet ». Au mois de septembre, en réunion publique au Trébon sur le sujet de la démocratie participative, le candidat tenait un discours plus offensif et évoquait sa volonté de demander l’avis sur le casino via un référendum aux Arlésiens. En salle de conseil, il « souhaite une ville qui attire des investisseurs pour mener des politiques ambitieuses et tout cela a un prix. Aucune commune ne peut s’asseoir sur un ou deux millions d’euros ». Pour pallier les effets néfastes que peut avoir l’implantation d’un casino sur la ville, il propose d’investir 20% des recettes pour la ville générées par le casino pour lutter contre la dépendance aux jeux.

Patrick Chauvin (groupe Vive Arles), premier adjoint à la manœuvre sur le sujet du casino, a souhaité mettre les choses au point. Ce n’est pas un sujet voté en précipitation puisqu’il le travaille « depuis quatre ans », il rassure sur la qualité du projet notamment hôtelier, « quatre étoiles a minima » qui permettra de pallier des manques dans l’offre du territoire : « on est faible sur l’accueil des séminaires de grands groupes ».

Nora Mebarek, (groupe socialiste), souhaitait remettre les choses en contexte. Si elle a voté en juin 2018, « c’était pour le principe d’une étude. Mais l’étude que nous avons aujourd’hui joint à cette délibération est une étude de dix pages dont six lignes consacrées à l’intérêt pour la ville. 20 ans (de délégation de service public ndlr) pour 14 pages (d’étude ndlr), c’est un peu léger. L’étude ne donne pas de réponse assez concrète ». Sur l’argument avancé par Patrick Chauvin sur l’offre populaire que le casino représenterait, Nora Mebarek répond : « moi je suis populaire, mais je ne me reconnais pas dans le casino. Que va t-il se passer ? Les jeunes et les moins jeunes vont y passer leurs minimas sociaux. »

David Grzyb (groupe Des avenirs à partager, candidat), favorable au projet, prend la parole pour pointer l’inconstance de ses collègues, rappelant que la délibération de juin 2018 a été votée « à l’unanimité. Personne ne découvre ce dossier-là ». Sur l’opportunité d’un investisseur, l’élu à l’urbanisme ne comprend pas comment les élus peuvent refuser un investisseur qui offre « une salle de spectacle de 800 places que la force publique mettrait au moins 250 000 ans à financer ». Dans une diatribe, il accuse ses collègues de la majorité de « faire de la politique en fonction d’un petit journal qui sort de temps en temps », reconnaissant ainsi à l’Arlésienne l’action de dynamiser le débat public et choisir des sujets sur lesquels les Arlésiens souhaitent être entendus. Plus entendus qu’un simple passage dans l’isoloir tous les six ans.

Jean-Luc Masson (groupe Socialistes et apparentés) a pris la parole pour regretter le choix d’un délégataire de service public à la veille des élections alors « que nous avons mis quasiment trois mandats pour venir à bout de l’héritage des délégations laissées par Camoin, sur les parkings ou la restauration collective. Et on nous demande de faire la même chose », avant d’ajouter, « il manque des études d’impact, un point c’est tout ».

Christian Mourisard, (groupe Socialistes et apparentés) reprend l’exemple du groupe Accor qui souhaitait implanter un immeuble d’appart’hôtel sur le boulevard des Lices au début des années 2000 et « l’erreur stratégique que nous aurions commise ». Aujourd’hui, l’élu au tourisme a peur de réaliser la même erreur avec le casino : « la conjoncture n’a pas été rattrapée depuis 2008 et toute l’industrie du casino est en difficulté. En France, il n’y a pas 10% des casinos qui sont particulièrement rentables. » L’élu attaque aussi le manque de précision de l’étude qui positionne les rentrées fiscales pour la mairie « entre 1,5 et 2,5 millions, c’est quasiment du simple au double, c’est pas du tout la même chose ». Il prend pour exemple les améliorations, durant les derniers mandats, des recettes de l’entrée des monuments historiques de « 1,2 à 2,5 millions » d’euros pour montrer qu’il y a d’autres moyens d’avoir des augmentations de recettes.

Pierre Vetillart (groupe Socialistes et apparentés) le seul élu à ne pas avoir participé au vote en juin 2018 sur l’intention d’implantation du casino, souhaite s’exprimer sur le plan moral et politique. Et ce sera le seul à le faire frontalement : « les jeux d’argent sont une drogue et l’argent a une odeur. Il ne faut pas être prêt à tout pour de nouvelles recettes. »

David Grzyb reprend la parole, agacé et virulent. « Ce n’est pas un tabou d’accueillir des recettes. Nous ne le ferions pas parce que c’est le grand capital ? Nous dirions non à Maja Hoffmann qui investit 250 millions d’euros parce que c’est le grand capital ? Nous dirions non aux 50 millions du casino parce que c’est le grand capital ? » Il identifie le casino comme une possibilité d’avoir des touristes tout au long de l’année et notamment en visant les croisiéristes qui passeraient, selon l’étude en annexe de la délibération, de 80 000 à 150 000 par an. « Pour avoir des politiques publiques ambitieuses, il faut en avoir les moyens », argumente-t-il, prenant pour exemple le manque de moyens pour la médiathèque d’Arles, dont les agents grévistes étaient présents dans la salle du conseil municipal.

L’élu à l’urbanisme s’étonne une nouvelle fois. Mais cette fois-ci à propos des critiques pointées sur l’étude incomplète. « Nous n’avons pas plus d’études d’impact pour la fondation Luma dont nous n’avons jamais contesté les chiffres de 200 à 300 000 visiteurs en plus », cingle-t-il, reprochant à nouveau à ses collègues de « venir faire de la politique six mois avant les élections ».

Enfin, c’est Hervé Schiavetti, le maire, qui clôt les débats. Il justifie son geste de fin de mandat par l’argumentation du « désintéressement » personnel et par le fait de pouvoir s’appuyer sur des élus « aguerris » à l’exercice du pouvoir. Il précise que le projet a été lancé dès le début de ce mandat. Précision intéressante, pourtant le projet du casino n’est apparu à aucun moment dans le programme de Schiavetti. A l’époque où il se présentait face aux Arlésiens et demandait au peuple le pouvoir.

Quelques jours après le conseil municipal, un citoyen engagé a compilé plusieurs textes scientifiques sur les jeux d’argent et la clientèle qu’ils attirent.

L’auteur Fabrice Loi a lui aussi souhaité analyser la situation avec un article sur son blog médiapart. https://blogs.mediapart.fr/fabrice-loi/blog/221019/un-casino-arles-un-ultraliberalisme-au-comique-croupier?fbclid=IwAR3Rnrq43R6rNTGaDpPhIbp9eIsiXC3sY-E3c7iij1OropGD5m9GRxzLuvQ


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l’Arlésienne n°18 – hiver 2024