Beaucaire, le RN veut financer sa crèche coûteuse et hors la loi par son centre d’action sociale
123 000 euros. C’est le montant total de l’amende que doit payer la Mairie de Beaucaire pour avoir refusé de manière « délibérée » de retirer la crèche de Noël du hall de l’hôtel de ville. Une cagnotte a été lancé sur le site de la ville via le Centre communal d’actions sociales pour assurer son financement.
Nada Didouh
Chaque année, depuis l’arrivée au pouvoir de Julien Sanchez en 2014, la commune fait de l’installation de la crèche en mairie son combat. Un combat qu’a repris volontiers Nelson Chaudon lorsque son prédécesseur est devenu député européen en 2024. Saisie par la Ligue des Droits de l’Homme, la justice administrative avait pourtant été claire : le tribunal de Nîmes a ordonné en décembre 2024 le retrait de la crèche de la Nativité sous 48 heures, sous peine d’une amende de 1 000 euros par jour de retard.
Plutôt que de s’y conformer, le maire a contre-attaqué. Le 22 décembre, deux jours après la décision, il organise une « votation citoyenne pour permettre aux Beaucairois de s’exprimer ». « Cette votation a été un véritable succès », s’est-il félicité dans une vidéo publiée sur la page Facebook de la ville. 1 680 électeurs se sont déplacés pour répondre à la question : « Êtes-vous favorable à l’exposition d’une crèche provençale en mairie comme cela se fait depuis dix ans ? » 98,56 % ont répondu oui. Malgré une abstention de près de 90 %, Nelson Chaudon multiplie les références à ce nombre pour justifier son entêtement. Et maintient la crèche, en toute illégalité.
Le CCAS recueille les dons pour la crèche
En janvier 2025, la commune est condamnée à payer une première amende d’un montant de 19 000 euros. Face au refus persistant, la Justice durcit l’astreinte à 5 000 euros par jour. Mais le maire de Beaucaire s’entête. La crèche ne sera finalement retirée que le 2 février dernier, comme le veut la tradition catholique. Le 7 février la commune écope d’une condamnation de 103 000 euros. Le lendemain, une vidéo est publiée sur la page Facebook de la ville. « J’en appelle à vous pour nous aider, demande Nelson Chaudon, non pas à payer l’astreinte imposée par le tribunal administratif, ce serait illégal, mais à financer la crèche 2025. Le combat continue pour la défense de nos traditions et de notre identité .» Un combat aux allures de croisade qui coûte cher aux Beaucairois. Les généreux donateurs sont invités à envoyer leurs contributions au CCAS, chargé de les recueillir. Ainsi, à Beaucaire, le centre communal d’action sociale, censé être le bras social de
la Mairie, soutenir les habitants en difficulté et mettre en place des actions de solidarité, devient mécène de la crèche de Noël. « Le don d’un particulier au CCAS ouvre droit à une réduction d’impôts de 66 % de son montant dans la limite globale de 20 % du revenu imposable », indique l’organisation sur son site internet.
Un dépérissement de l’État
« Ils préfèrent payer des astreintes auxquelles ils sont condamnés que de respecter les décisions de justice, explique Charles Ménard, conseiller municipal d’opposition encarté LFI, qui ne s’étonne pas de voir la crèche revenir en mairie. Ils ne vont pas s’arrêter en si bon chemin, d’autant plus que c’est leur dernière année. » Surtout, Charles Ménard dénonce un « dépérissement de
l’État ». « Chaque année, confie-t-il, j’interpelle le préfet sur l’histoire de la crèche, parce que c’est son boulot de faire quelque chose. Je n’ai même pas de réponse, accuse l’élu. Normalement, en République, le préfet est au service des élus. Donc la tradition c’était qu’il nous réponde, les élus ça comptait, c’était le peuple. » C’en est fini de la tradition. Même chose pour la votation citoyenne. « J’ai envoyé un mail au préfet, se souvient l’insoumis. C’était une votation citoyenne à l’arrache, organisée hors de tout cadre légal. En République, il aurait dû intimer l’ordre au maire de renoncer à cette initiative illégale. Pas de réponse, pas d’action du préfet. Mais honnêtement, je pense que le RN au pouvoir, ça arrange la Macronie. C’est l’ennemi de confort », accuse Charles Ménard qui se demande aujourd’hui si cet appel aux dons n’enfreint pas, lui aussi, le cadre légal.
Ce travail a été réalisé dans le cadre d’une enquête collective sur la casse sociale et associative des mairies d’extrême droite par des équipes de journalistes du sud-est et leurs médias : Le Poing, la Marseillaise, le Collectif Presse-Papiers. Un travail soutenu par le Fonds pour une presse libre. Nous vous tiendrons informés des enquêtes de nos collègues via notre bulletin numérique et notre site internet.
Article également publié dans l’Arlésienne n°25, automne 2025 au sein d’une série d’article sur la gestion d’extrême droite de la ville de Beaucaire.
Défiscalisez comme Bernard, soyez mécènes comme Maja et réorientez vos impôts en soutenant l'Arlésienne.
Faire un don défiscalisé à la presse libre, locale et de saison... désormais reconnue d'intérêt général !