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Aux Ateliers, le manque de lisibilité

Aux Ateliers, le manque de lisibilité

Entre la Fondation Luma, les Rencontres et l’association du Méjan, le festivalier en visite aux Ateliers doit mettre trois fois la main au porte monnaie. Une collaboration entre les acteurs culturels à revoir.

« On s’est fait avoir, on est dégoûté », un petit groupe de festivaliers se dirige vers la sortie des Ateliers. Ils ont acheté le pass Luma alors qu’ils voulaient faire les Rencontres de la photo. Comme l’an passé avec l’exposition Annie Leibovitz, la Fondation Luma organise ses expositions à la Grande halle en même temps que les Rencontres et fait payer une entrée. « On vient depuis des années et les Ateliers étaient l’endroit où l’on venait voir les expositions importantes des Rencontres et passer la journée« , expliquent Christophe et Claire de ce groupe de Parisiens. « C’est compliqué de savoir ce qui est lié à Luma et au festival lui-même. Les billetteries ne sont pas claires, c’est quasiment la même typographie, le même comptoir de vente, il faudrait deux queues bien plus claires« .

Effectivement, à l’entrée de la Grande halle, il ne faut pas attendre trente secondes pour voir un mécontentement à la billetterie. Antonio et Esther, un couple de retraités Genévois, demandent le remboursement de leur Luma Pass. « On se sent volé, je croyais que c’était pour les Rencontres« , plaide Esther. Mais la personne au guichet, très embêtée, répète l’impossibilité de remboursement car la personne est déjà rentré dans l’exposition et s’excuse de ne pas avoir été assez claire.

C’est que le dispositif d’accueil est pour le moins équivoque. Dès que l’on rentre dans la Grande halle, une grande cimaise impose symboliquement un passage par la billetterie pour accéder aux expositions. Parce qu’effectivement, il faut être expert pour s’y retrouver. Au total, dans le parc des Ateliers, il n’y a pas moins de trois tarifications différentes. Le Luma pass, le pass des Rencontres de la photo, et le supplément pour l’exposition numéro 28 des Rencontres produite par l’association du Méjan (galaxie Actes Sud de Jean-Paul Capitani et Françoise Nyssen). Une situation nuisible à la lisibilité pour les festivaliers que regrettait Sam Stourdzé, le directeur des Rencontres dans nos colonnes avant l’été.

« Ça avait commencé l’année dernière avec les trois euros en plus pour la Fondation Luma (exposition Annie Leibovitz ndlr). Mais ça y est, ça a fait des petits. Cette année, Luma demande dix euros de plus pour que le public puisse visiter ses expos, Actes Sud demande cinq euros de plus et Réattu (Musée de la Ville d’Arles en centre-ville ndlr) demande trois euros de plus. Ça m’inquiète parce que c’est une lisibilité difficile pour les festivaliers et puis aussi, à terme pour le festival. Parce que si tous les opérateurs qui  participent aux Rencontres par des mises à disposition de lieu récupèrent leur lieu pour leur propre projet, pour créer et gérer leur propre événement, c’est un peu antinomique avec notre action. Mais ça nous obligera à nous réinventer et on se réinvente depuis plusieurs années. On renforce des choses avec des nouveaux lieux, en sortant de la ville, en proposant une offre dense qui fait que le public va faire des arbitrages. »

Pour aller au Magasin électrique, l’exposition produite par l’association du Méjan, il faut passer par la Grande halle, trouver la petite porte au fond à droite, s’approcher pour vérifier que non, ce n’est pas une sortie de secours et franchir le cap. Rien au-dessus de la sortie n’indique l’exposition dans le bâtiment situé derrière. Tout se passe comme si on voulait cacher l’exposition, ne pas la mettre en valeur.

La porte de la Grande halle (Fondation Luma) pour accéder au Magasin électrique (Association du Méjan, Jean-Paul Capitani).

 

Le Magasin électrique dans le Parc des Ateliers.

 

Pourquoi un cheminement si complexe ? Un chemin si exigu ? La Grande halle est gérée par la fondation Luma pour 30 ans depuis 2014 quand Maja Hoffmann a racheté la quasi-totalité des Ateliers sauf un bâtiment, le Magasin électrique que Jean-Paul Capitani a acquis. Dans son magazine annuel qu’elle préface d’une prise de parole, Maja Hoffmannn revendique une action positive. « Nous facilitons l’accueil du public dans les expositions proposées par l’association du Méjan dans son lieu du Magasin Electrique« . Tout est une question du sens que l’on donne aux mots. Et pourquoi un chemin extérieur n’est pas aménagé alors qu’entre la Grande halle et le Magasin électrique, il existe une parcelle qui appartient la société publique d’aménagement régionale (AREA) mais rendu inaccessible par des panneaux en bois installés par la Fondation Luma. Pourquoi ?

« Certainement une affaire de sécurité due aux travaux« , répond, l’attaché de presse de la Fondation. Les complotistes du café du commerce auront vite fait de penser que ce chemin difficilement accessible et cet affichage défaillant est du à une mauvaise entente entre les acteurs culturels. L’attaché de presse de la Fondation n’est pas intéressé par ces  »détails » et invite l’Arlésienne à se concentrer sur les festivaliers pour qui tout s’est bien passé.

En jaune les propriétés publiques dans le parc des Ateliers. Fond de carte cadastre de la Ville d’Arles.

Mais aussi visiblement « tordu » que puisse être notre esprit, la question de l’entente entre les acteurs culturels se pose. De manière générale et particulièrement en pleine négociation de la vente ou non du Magasin électrique entre Jean-Paul Capitani et Maja Hoffmann. Toujours dans nos colonnes, le président du directoire d’Actes Sud racontait la difficulté qu’il avait à travailler avec Maja Hoffmann. Il y évoquait le projet avorté de cinéma qui devait se développer dans les Ateliers. Et pour l’avenir de son bâtiment, il semble bouché : « Je pourrais y faire un truc qui me plairait beaucoup, mais qui va emmerder Maja Hoffmann. Je n’ai pas vocation à emmerder Maja Hoffmann, donc je ne le fais pas« , conclut Jean-Paul Capitani devant l’impasse. Pour ses projets culturels, il ne voit plus l’avenir aux Ateliers, mais à la Croisière, en amont sur le boulevard Victor Hugo.

Pour les Rencontres, dans le journal annuel de la Fondation Luma, Maja Hoffmann émet une envie d’une collaboration nouvelle. « Dans le souhait de composer ensemble un jour un programme estival commun pour le Parc des Ateliers avec le festival des Rencontres d’Arles, nous les invitons à présenter chaque été une partie de leur riche programme sur notre site« . En conférence de presse de bilan des Rencontres le 8 juillet, la présidente de la Fondation Luma a parlé de 2020 pour construire un partenariat sur de nouvelles bases… Affaire à suivre. De fief des Rencontres, l’appropriation symbolique de l’espace par la Fondation Luma est en route. Même s’il reste des terrains publics dans les Ateliers (voir carte), Maja Hoffmann est chez elle et choisi la méthode.

Plan des expositions à l’entrée du parc des Ateliers.

Alors restons bienveillants, souhaitons que les opérateurs construisent une offre plus lisible. Que les responsables ne vocifèrent pas sur le personnel des guichets à la lecture de cet article. Ce n’est pas leur faute si l’édifice est bancal et l’offre difficilement compréhensible. La ville, les visiteurs et la qualité des propositions méritent une offre mieux présentée et une entente plus intelligente entre les différents opérateurs culturels. Et le mot de la fin revient au groupe de Parisiens qui, en partant des Ateliers pour retourner en ville, lâche : « c’est dommage qu’il y ait une double tarification. C’est comme à Courchevel et Méribel. Pendant des années, il fallait acheter deux forfaits pour accéder à tout le domaine skiable. Mais ils ont fini par se mettre d’accord et proposer un pass commun, pourtant ils pouvaient pas se blairer entre les deux vallées. » Tiens, en voilà une idée, un pass toutes expos.

Cette idée pose encore d’autres questions et met en scène de nouveaux rapports de forces. Nous y reviendrons. Pour l’heure, de mémoire d’Arlésiens, pendant les Rencontres, les Ateliers n’ont jamais été aussi désert. Visiblement, la stratégie ne fonctionne pas cette année. Et bientôt, si le rachat par la Fondation Luma du Magasin électrique se confirme, Maja Hoffmann sera seule maître en ses lieux. En fait, comme pour la billetterie, il suffisait de savoir lire, à l’entrée des Ateliers, les lettres récemment posées “Parc des Ateliers LUMA” ne laissaient guère de place…

Eric Besatti

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