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La Fondation Luma à la barre de la consultation des riverains des Ateliers

La Fondation Luma à la barre de la consultation des riverains des Ateliers

L’ouverture de la Tour approche et la Fondation prend de plus en plus de place dans l’organisation de la vie de la cité. Exemple aux alentours du Parc des ateliers où la puissance privée a pris les devants pour consulter les riverains sur les futurs aménagements du quartier, notamment sur la question de la circulation et du stationnement. La puissance publique n’a plus qu’à valider les projections.

On les tient ! Entre deux stand du marché, on apprend que la Fondation Luma a organisé des réunions de concertation avec les riverains du quartier des Ateliers. La voilà, prise en flagrant délit de remplacement de la puissance publique ! Ils se prennent pour qui ? Des élus ? Ils se placent au-dessus de la mairie ! Voilà pour les présupposés et la bonne dose de curiosité agressive nécessaires à une bonne enquête. L’intensité requise pour avoir l’énergie nécessaire à toute plongée dans le partenariat public-privé arlésien.

« Qui que ce soit qui consulte, du moment que ça consulte… », se satisfait Frédéric Mison, président de l’Association partenaire des riverains des Ateliers. Cet habitant de la résidence mitoyenne des Ateliers raconte l’idylle des habitants avec la Fondation Luma. C’est qu’ils sont sur une même longueur d’onde. « Tout ce qui va dans le sens de la résidentialisation, ça nous va aussi », poursuit, lucide, le président de l’association des riverains. Les membres de l’association ont travaillé un « schéma directeur de quartier » lors de trois réunions publiques organisées les 4, 5 et 6 février derniers. Puis ils ont validé le document par un vote à l’unanimité lors de l’assemblée générale. Un document dont les plans ont été travaillés avec les architectes et les graphistes de la Fondation Luma, pas les services de la ville. Ce schéma n’est pas un document réglementaire mais il projette l’espace public de demain : stationnement, circulation et aménagement paysager.

« Je n’étais même pas au courant de ces réunions », ne s’étonne même plus David Grzyb, adjoint à l’urbanisme de la ville d’Arles et vice-président délégué à l’économie de la communauté d’agglomération ACCM. Il regrette depuis plusieurs années « qu’à Arles, on fait les choses à l’envers ». C’est surtout la méthode qu’il accuse : « Normalement, on met tout le monde autour d’une table, partenaires, riverains, les collectivités concernées et les techniciens. » De manière générale, il dénonce le manque de « dialogue entre la Fondation et les collectivités, surtout pour un projet aussi structurant que celui-ci ». Il faut dire que, dans un contexte politique tendu, David Grzyb, candidat déclaré à la mairie, est mis de côté. C’est le maire en personne qui gère directement les sujets de la Zone d’aménagement concertée des Ateliers (ZAC) : l’endroit où la Fondation construit son complexe culturel et sa Tour. Pour les stationnements et la voirie, côté ville, c’est Patrick Chauvin, le premier adjoint de la ville, qui est chargé des dossiers. Mais les faits sont là. Depuis plus de dix ans que les pouvoirs publics ont signé une convention avec la Fondation Luma, aucun document officiel de référence n’a été produit sur la problématique des nouveaux flux liés à l’ouverture de la Fondation. A tel point que celle-ci a pris les devants pour construire son propre parking. Et pour la consultation des riverains, c’est un peu la même histoire.

Yannick Barré, l’homme pivot
« Si nous réalisons les études, c’est toujours par défaut, parce que la mairie ne le fait pas », concède Yannick Barré, responsable des affaires publiques à la Fondation, c’est à dire l’homme pivot entre la Ville et la Fondation. Lors des réunions avec les riverains, c’était lui, qui était auprès des habitants pour expliquer le projet. Et le projet d’aménagement des Ateliers, c’est un peu son fil rouge… que ce soit du côté public ou du côté privé. Petit rappel, M. Barré était auditeur financier à la mairie d’Arles entre 1999 et 2004 avant de travailler pour les affaires agricoles camarguaises de Maja Hoffmann. Il retourne en 2009 à la ville où il met en œuvre le retour en régie municipale des cantines scolaires et des parkings. En 2016, lorsqu’il quitte son poste de directeur financier à la mairie d’Arles, c’est pour assurer le suivi de l’intégration du projet Luma au territoire mais cette fois-ci côté fondation. « J’ai pensé que je serais plus efficace pour ce dossier d’intérêt général à l’intérieur de la Fondation qu’à la mairie. »

Une fois arrivé à la Fondation, « on a décidé de faire une étude pour étudier les flux, comment on arrive dans la ville et au Parc des Ateliers quand on arrive de Marseille, d’Avignon ». Avec les moyens financiers de la Fondation, il choisit le cabinet Arep. Ensuite, avec cette étude sous le bras, Yannick Barré s’en va voir la puissance publique pour continuer le travail. « Nous sommes en contact permanent avec les collectivités dans le cadre de la Zone d’aménagement concerté des Ateliers », explique Yannick Barré pour expliquer le cadre des échanges entre la Fondation et les collectivités. Dans les discussions permanentes avec l’Area, l’agence d’urbanisme de la Région Paca, décision est prise du côté public de poursuivre le travail entamé avec la première étude de l’Arep. L’étape suivante est donc la réalisation d’un « schéma directeur de quartier ». Et l’Area se tourne naturellement vers Bas Smets, le paysagiste de la Fondation Luma pour l’aménagement paysager des Ateliers, l’Arep, le cabinet déjà mobilisé par la Fondation, et Renzo Wieder, architecte qui a travaillé sur les Alyscamps pour la mairie. Si vous n’avez rien compris, retenez que la puissance publique continue le travail de la Fondation avec les mêmes experts.

Enfin, muni de l’étude sur les abords des Ateliers financée par la puissance publique, Yannick Barré organise cette fameuse consultation avec les riverains des Ateliers. « Il nous manquait un point essentiel, demander leur avis à ceux qui vivent là. Ce temps de concertation, on a pu se l’offrir. C’est un luxe. » Voilà comment la Fondation s’est retrouvée directement devant les citoyens. « C’est la Fondation qui a pris le leadership sur les abords », analyse Frédéric Mison le président de l’association des riverains.

Dans les arcanes de l’action publique depuis des années, Yannick Barré continue au sein de la Fondation ce qu’il a entrepris à la mairie. Il était déjà dans les couloirs en 2008, lors de la signature du protocole d’accord entre les pouvoirs publics et la Fondation. Il insiste : « A l’époque, l’une des conditions déterminantes à l’investissement de Maja Hoffmann, c’était le traitement par la puissance publique des accès à la ZAC », se souvient-il. Alors il s’est donné pour mission de faire en sorte « que le projet réussisse ». Avec cette consultation, la Fondation prépare le terrain aux pouvoirs publics. « Nous avons acté des consensus avec les riverains et nous sommes allés voir la mairie pour les présenter, le dossier est prêt à être mis en œuvre ».

« On a la chance d’avoir quelqu’un comme ça pour suivre les sujets. » Nicolas Koukas, adjoint délégué à la démocratie de proximité, informé de ces réunions, ne voit pas de problème à l’organisation d’une concertation par la Fondation Luma pour le « schéma directeur » du quartier des Ateliers. « La Fondation peut avoir des idées, c’est toujours la collectivité qui valide ou invalide ». Il prend pour exemple la réalisation du pôle santé de Trinquetaille, où le promoteur avait lui aussi réalisé des réunions avec les riverains. Yannick Barré, lui, revendique se battre pour « pousser les sujets » qu’il considère « d’intérêt public ». Dans ce monde idyllique du partenariat public-privé, face à notre procès en substitution de la puissance publique, la Fondation a joué le jeu de la transparence. Mais cela ne doit pas éclipser pour autant les rapports de force à venir. Il y aura des dossiers à trancher par les élus, le « schéma » présenté par la Fondation et validé par les riverains prévoit par exemple un rétrécissement de la terrasse de la Brasserie des Ateliers. Il faut rester attentif à la couleur que prendra la mayonnaise avec comme ingrédients : d’un côté la Fondation Luma avec sa force de frappe, de l’autre la faiblesse de moyens du secteur public. L’enquête continue.

Eric Besatti

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