Théâtre d’Arles : Nouveau directeur, dans une structure « à définir »
Le théâtre municipal d’Arles va lier sa destinée à celle de Dominique Bluzet, déjà directeur de quatre théâtres dans le département. Ce montage est affirmé comme étant « sous l’égide du ministère de la Culture » qui promet à la Ville et au poids lourd culturel le label ‘’Scène conventionnée d’intérêt national’’ et l’argent qui va avec.
Le théâtre d’Arles va démarrer un nouvel acte de son histoire désormais mouvementée. Les votes du conseil municipal de ce jeudi 30 mai vont apporter des péripéties après le retour surprise en gestion directe du théâtre municipal par la mairie d’Arles. Cette scène précédente s’est jouée en 2021 avec l’arrivée aux manettes de l’équipe Carolis. Les délibérations 31 et 32 proposent le recrutement d’un nouveau directeur et la convention de partenariat avec le théâtre du Jeu de Paume : un théâtre privé d’Aix en Provence géré sous forme associative et dirigé par Dominique Bluzet (comme trois autres théâtres à Aix et Marseille regroupés sous le nom les Théâtres. « Sous l’égide du ministère de la Culture, il est question que le théâtre du Jeu de Paume et le théâtre d’Arles mutualisent leurs compétences et leurs spécificités par la mise en place d’un projet de territoire basé sur la circulation des artistes et des publics », nous apprend la délibération 31 (p.115).
Un poids lourd régional
Même si ce n’est pas dans les clous, depuis des mois, Dominique Bluzet a un bureau dans le théâtre municipal d’Arles. Mais bon, l’intendance finit bien par suivre (1). C’est chose faite avec cette délibération 31 (p. 115) qui propose son recrutement du 1er juin 2024 au 1er juin 2028. Le recrutement se fait via »une mise à disposition d’un salarié privé » de « 7 jours par mois », nous apprend la convention annexée à la délibération pour une rémunération forfaitaire de 50 000 euros par an (p.119). Le contrat définit les objectifs à long terme « un projet plus global visant à mutualiser le théâtre d’Arles avec le théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence, en vue de mutualiser la programmation et la communication de ces deux théâtres via la création d’une entité commune (dont le statut reste à définir). L’objectif étant que ces deux théâtres obtiennent […] le label « Scène conventionné d’intérêt national (SCIN), avec un subventionnement de la DRAC expérimental à ce titre »
Le recrutement de Dominique Bluzet au poste de directeur du théâtre municipal, sans passer par les normes d’un emploi public, est justifié dans la convention (p.117). Comme de bien entendu, il est impossible de trouver chez les fonctionnaires une « expérience de Directeur de quatre théâtres à Aix-en-Provence et Marseille, dont le théâtre du Jeu de Paume, du réseau qui en découle, et de sa bonne connaissance du territoire à l’échelle supra-communale. »
Attirer l’argent du ministère
Le fléchage des missions est clair : attirer l’argent du ministère de la Culture. « Élaborer le projet artistique et culturel de territoires en privilégiant les transversalités entre les deux théâtres permettant de répondre au cahier des charges de l’appellation SCIN pour « Mieux produire/mieux diffuser » et « porter la création d’un groupement d’intérêts susceptible de fédérer administrativement et financièrement, dans un premier temps, le théâtre d’Arles et celui du Jeu de Paume et assurer le lien entre ce groupement et la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles, le ministère de la Culture en région, ndlr) ».
Si Dominique Bluzet a été recruté pour son réseau, celui de Patrick de Carolis n’est pas étranger à cette expérimentation artistico-financio-administrativo-juridique. À Paris, le maire d’Arles était en réunion de travail avec la ministre de la Culture, comme nous informe son post facebook du 16 mai dernier : « Cela a été l’occasion de mettre en avant nos festivals mais aussi d’échanger sur notre théâtre municipal […] un échange enrichissant, constructif et porteur d’espoir, qui donne de belles perspectives à notre théâtre municipal ».
Depuis trois saisons, le théâtre municipal est géré en régie directe par la ville d’Arles. Il a perdu son label scène conventionné pour les nouvelles écritures depuis le départ de l’ancienne directrice. La mairie a baissé sa participation passant de 600 000 à 420 000 euros (l’Arlésienne n°14). Le Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles) avait alors alerté sur l’ingérence politicienne des élus de la ville sur la programmation. Edouard Baer a assuré pendant deux saisons une partie de la direction artistique, inaugurant le journal d’Arles, concept qu’il vend désormais à d’autres villes et pour d’autres théâtres.
Ce montage du théâtre municipal avec un poids lourd privé du secteur ne manquera pas de faire réagir. Tant le monde du spectacle pour la concentration des prises de décision avec les dangers pour la diversité des propositions que cela induit, que le monde politique comme un Mohammed Rafaï, conseiller municipal d’opposition qui annonçait il y a deux ans, que le passage en régie publique n’était qu’une étape vers la privatisation du théâtre… Les trois coups pour la prochaine séance seront donnés à 17h, jeudi 30 mai, pour le conseil municipal d’Arles, ouvert au public à la salle des fêtes boulevard des Lices et retransmis en direct sur le site de la ville.
Eric Besatti
Nos ventes sont une belle part de notre chiffre d’affaires, mais ça ne suffit pas. Sans financement des collectivités territoriales, sans publicité, l’Arlésienne a besoin de vous. Pour l’existence du journal : les dons sont essentiels. Et pour avoir de la visibilité et prévoir nos enquêtes en fonction des moyens disponibles, le don mensuel, fidèle et ancré, reste la panacée de l’Hauture, la quintessence de la Camargue, le cœur de l’artichaut.