3DFM absorbée par Maritima le groupe médias de la Ville de Martigues
L’ancienne radio associative, devenue commerciale, du Pays d’Arles et le groupe Maritima médias partagent un destin commun depuis 2 ans. Les auditeurs n’en ont pas été informés. Les acteurs des radios libres déplorent la disparition d’une fréquence jusque là réservée à l’expression associative.
Le maire PCF de Martigues à la tête de 3D FM ! Surprise à la lecture du bulletin de la maison de la vie associative d’Arles : Gaby Charroux y est annoncé comme président de la radio associative locale. Selon les informations que nous avons récolté après cette découverte, l’élection du maire à la tête de l’association arlésienne remonte à ce printemps. Gaby Charroux est aussi un patron de presse, en sa qualité de président de Maritima.
Le groupe médias parapublic est unique en France, par sa forme de société d’économie mixte émanant d’une collectivité, en l’occurrence la Ville de Martigues. Le groupe comprend quatre fréquences en FM couvrant l’Étang de Berre, Marseille et Aix, une chaîne de télé et le quotidien La Marseillaise, racheté à la barre du tribunal de commerce en octobre 2020 – ainsi qu’une régie publicitaire commune à cet ensemble. Un empire médiatique départemental, relais de la voix des élus communistes de Martigues et du département. La prise de présidence de 3D FM par Gaby Charroux résonne comme le passage de cette radio dans le giron de Maritima. Le mensuel Le Ravi l’avait constaté dans son « contrôle technique de la démocratie » de novembre, consacré au conseil municipal de Martigues.
3D FM, l’ancienne antenne associative qui promouvait la radio libre et la diversité musicale avec une grosse coloration jazz s’est essoufflée fin 2018. Elle était accablée depuis 2015 par la baisse de ses revenus, dont les subventions publiques. Le coup de grâce est venu en 2018, quand la région présidée par le LR Renaud Muselier a brutalement coupé ses subventions aux 40 radios associatives de PACA.
D’associative à intégrée dans un réseau commercial
Depuis son émetteur de Beaucaire (30), le 97.0 FM a néanmoins continué de diffuser sur le Pays d’Arles et une partie du Gard et du Vaucluse (d’où le nom 3D pour 3 départements). Désormais, on y entend une programmation musicale faite de variétés, entrecoupée de jingles caractéristiques d’une radio commerciale. Sur un forum spécialisé en ligne, quelques passionnés de radio ont constaté une programmation musicale très proche de celle de Maritima, qui tourne sur l’antenne arlésienne depuis deux ans.
Au milieu de la tourmente vécu par son association, Gérald Martin le président et directeur de 3D FM de 2003 à 2018, s’est tourné vers Maritima. « Maritima pouvait assurer le fonctionnement de la radio qui n’avait plus de financement. Les subventions et les cotisations d’adhérents ne cessaient pas de baisser », raconte celui qui continue aujourd’hui « à œuvrer pour les radios libres » comme directeur de radio Fuze à Uzès (30). « La fréquence de 3D FM aurait été remise au pot commun et reprise par une radio nationale privée », avertit Gérald Martin. Il a donc préféré transmettre à Maritima, qu’il juge comme un acteur « local semi institutionnel ».
« Nous avons bati un contrat de régie publicitaire et nous avons accompagné 3D FM avec une avance de trésorerie », informe Thierry Debard le directeur de Maritima médias. L’opérateur martégal a épongé les dettes en faisant un pari sur l’avenir : pourvoir conserver la fréquence en étant autorisé à l’exploiter en tant que radio commerciale.
- 3D FM mise en avant sur le site de la régie publicitaire de Maritima médias. Capture d’écran.
fréquence retirée aux radios libres
En mai 2021, le Conseil national de l’audiovisuel a prolongé la délégation du 97.0 FM à l’association 3D FM, alors qu’elle venait de changer de statut d’opérateur radiophonique, passant d’associatif (catégorie A) à commercial (catégorie B). Les acteurs locaux des radios associatives (catégorie A) dénoncent la disparition d’une fréquence dédiée aux « radio libres », alors que l’autorité de l’audiovisuel se doit d’être la garante d’une diversité de l’offre radiophonique.
« Ils nous l’ont fait à l’envers. Ils ont vendu une fréquence d’une radio associative à une radio commerciale, qui en plus joue la carte locale alors qu’elle ne l’est plus. C’est une honte ! », s’agace Stefan Del Corso, artisan de Radio pays d’Arles (RPA) depuis 2013. Lui aimerait bien que sa web-radio puisse accéder à la FM. Mais les ondes sont saturées et les appels d’offres pour obtenir une fréquence sont rares. « Ce n’est pas une bonne nouvelle qu’une fréquence pour une radio de catégorie A disparaisse. Cela va vers une uniformisation des médias », considère Hakim Yckache du côté de Soleil FM.
« Si on a fait ce choix, c’est que l’équilibre est respecté », affirme pour sa part Antoine Tabard, le secrétaire général du comité territorial de l’audiovisuel (CTA) de Toulouse, soit la représentation régionale du CSA pour la région Occitanie. « Notre axe c’est de garantir un pluralisme de l’offre. Cela ne dépend pas seulement de la catégorie des radios mais aussi d’un équilibre entre radios généralistes, d’informations, musicales etc. 3D FM a pris l’engagement de conserver la même ligne éditoriale. Pour nous, permettre une continuité est dans l’intérêt des auditeurs », argumente-t-il.
Une radio en réinvention
Thierry Debard défend une singularité éditoriale de 3D FM par rapport à Maritima. « L’association 3D FM existe toujours avec sa propre entité éditoriale. La Camargue mérite d’être mise en valeur. On fera de 3D FM ce qu’on qu’on a fait avec Maritima sur sa propre zone : une radio de proximité avec son identité », assure le directeur de Maritima médias. Et quand on s’étonne du fait que les auditeurs n’ont pas été informés de la nouvelle alliance, il répond : « Si on avait voulu faire de 3D FM une déclinaison de Maritima, on aurait joué là-dessus. » Autrement dit, puisque 3D FM ne devient pas un simple tuyau pour diffuser Maritima, pas besoin d’en tenir au parfum ses aficionados, selon Thierry Debard.
Puis il raconte que l’ère commerciale de 3D FM ne se fait pas sans difficultés. Elle a raté son entrée dans le réseau des Indés radios, à cause d’un « effet de seuil », faute d’une audience suffisante exigée par le réseau. Les Indés radios ? Ce sont un groupement d’intérêts économiques qui rassemble 130 radios commerciales régionales. Les productions radiophoniques réalisées à Arles ont été arrêtés. L’animation de la matinale et d’une tranche de l’après-midi sont réalisées en pré-enregistrement à distance, autrement appelé voice track. Et pour l’heure, le site internet de la radio associative ressemble à une coquille vide. Les dernières actualités publiées remontent au 14 juillet, celles partagées sur la page Facebook de la radio à octobre.
Le directeur de Maritima promet tout de même des lendemains qui chantent à 3D FM. « On vient de déménager à Beaucaire. Le CTA demandait de revenir au point initial, là où la radio a été créée. On espère finaliser le studio fin janvier, créer quelques emplois sur place et monter en puissance tout au long de l’année 2022 », expose Thierry Debard. Un optimisme affiché malgré le ciel qui se voile au dessus de Maritima. À cause du covid, l’audience de la radio a chuté et elle accuse un manque à gagner sur les exercice 2020 et 2021.
Le dernier conseil municipal de Martigues – par ailleurs dominé par l’affaire de corruption au sein du bailleur social de la ville, la Semivim – a accordé un investissement exceptionnel de 278 000 euros à son groupe de médias, partagé par la Ville et la Semivim. « Pour l’instant, l’urgent, c’est de sauver les emplois, de sauver Maritima médias, qui a perdu 500 000 euros en 2020 et 150 000 en 2021, déclarait Gaby Charroux dans La Provence. Et l’omnipotent maire de dresser cette perspective : « On va maintenant observer si les audiences repartent. Si ce n’est pas le cas, des mesures seront prises et on se recentrera sur Martigues, en nous séparant de la fréquence marseillaise et de celle du pays d’Arles.»
Pierre Isnard-Dupuy
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