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[Rétro] On doit s’asseoir par terre c’est la faute à Voltaire

[Rétro] On doit s’asseoir par terre c’est la faute à Voltaire

La place Voltaire est le nouveau eldorado des nouveaux entrepreneurs des commerces et restaurants qui ciblent touristes et Arlésiens branchouillés. La transformation du quartier est achevée après des premiers en 2010. Les rues adjacentes viennent d’être piétonnisée et une œuvre d’art contemporain installée sur le rond point qui donne sur cette entrée de ville. Alors que les terrasses mangent petit à petit l’espace, l’occasion de faire un peu d’histoire et répondre à cette question : pourquoi il n’y a pas un seul banc public ? La peur des arabes, littéralement. Une question que nous avions traité et publié en 2010 à l’époque du Gai Savoir, le numéro 5 exactement. L’Arlésienne ressort ses archives pour éclairer le présent.


Article publié dans le Gai savoir n°5, juillet 2010

Fraichement rénovée, la place Voltaire est un nouveau lieu de vie. Multi-culturelle, elle se construit un avenir partagé. Les bancs initialement prévus n’ont pas été réalisés. Histoire d’éviter des nuisances. Mais l’usage dépasse l’infrastructure. La place grandit avec les hommes et femmes qui composent le quartier.

Vision idyllique. Un groupe reprend les Gypsy King sur une scène au centre de la place. Tout le monde applaudit. Nous sommes le 29 juillet 2010, place Voltaire. Des enfant courent entre les restaurants, bars et snacks. Sept jours plus tôt, c’était ambiance feutrée avec un concert de jazz. Petit à petit, la fréquentation de la place se diversifie. Des touristes se rajoutent aux riverains, la magie est en marche.

Depuis le début de l’été, les commerçants souhaitent faire fructifier le nouvel aspect de leur espace de vie et organisent des concerts tous les mardis et jeudis. Le Baron, ancien musicien passionné par les concerts, coordonne «Voltaire en musique». Il précise que ‘‘ce n’est que le début’’. La place commence à faire parler d’elle.

Il y a six mois, cet espace qui attire le chaland n’était qu’un vulgaire parking. Des travaux de novembre à mars pour un coût total de 700 000 euros ont suffi à transformer l’aspect du lieu. Fini les jour où Panisse, le patron du Cube ne ‘‘vendait pas un café’’. Aujourd’hui, « c’est super il y a une bonne ambiance, c’est convivial » annonce Karim du Snack du soleil; Même son de cloche du côté de l’hôtel Voltaire. Et le sentiment est partagé par tous les commerçants du coin.

Le projet de rénovation de la place Voltaire n’est pas nouveau. Il est dans les cartons depuis les années 60, lorsque Charles Privat était maire de la ville(1) et que le quartier avait un autre aspect. Comme partout, dans le souvenir des anciens, les rues de ce quartier foisonnaient de commerces et de vie. Aujourd’hui les rideaux tirés sont légion dans ce secteur qui est pourtant en « entrée de ville ». L’architecture du secteur correspond à la période de la reconstruction à la va-vite durant l’après-guerre(2).

Depuis, comme partout, les centres villes se sont vidés pour laisser place aux zones commerciales périphériques. Comme partout, mais peut-être ici plus qu’ailleurs, l’immigration a apporté ses modifications au territoire. Les rues étroites derrière la place ont accueilli des populations immigrées. Italiens, Espagnols, Asiatiques et, à partir des années 60, « les Reconstructeurs » des pays maghrébins. Dans le quartier, la mosquée est l’endroit public le plus fréquenté. Récemment l’association des Comoriens d’Arles a élu domicile tout proche. Taxiphone et kébab(3) sont les témoins de cette dernière implantation.

 

 

Des projets avortés : 1. Les toilettes

Le vide au centre de la place attire l’attention. Un néant de béton. Et pour cause. Au départ, le projet de rénovation de la place incluait un distributeur de billets, des toilettes publiques, et des bancs. Rien de tout ça n’a été fait. Les toilettes devraient arriver sous peu, mais il y a moins d’espoir pour le distributeur et les bancs… Pourquoi ?

2. Le distributeur de billet
Tout le monde est d’accord pour son implantation, la mairie est « OK », les commerçants le désirent, tous les riverains également . « On a essuyé un refus de la sous-préfecture et de la gendarmerie pour cause d’insécurité » s’offusque Corinne Ferran qui tient l’hôtel Voltaire situé sur la place. Elle a suivi l’affaire de la rénovation de A à Z. Elle est là depuis 8 ans. « Je n’ai jamais vu ni de bagarre ni d’agression sur la place. Au contraire, nous dit-elle, maintenant que la place est éclairée, il y a moins de zones d’ombre. » Les fantasmes arlésiens ont la vie dure. «Le bas-quartier» fait peur.

3. Les bancs
Un seul objet vous manque et tout est dépeuplé. L’absence de bancs est flagrante. Pourtant les commerçants ont été unanimes lors des réunions de concertation. Pas de bancs. Histoire « d’éviter le squatt le soir ». Par exemple, des SDF qui pourraient dormir, et puis certaines personnes qui pourraient s’installer et discuter même après la fermeture des bars. Mais qui sont ces certaines personnes ? « Si vous demandez ça, c’est que vous êtes pas du quartier », nous dit un tel, comme une évidence. « Beh nos cousins, y’a une mosquée pas loin », insiste-il à voix basse. On en sait désormais un peu plus à propos des potentiels «squatters».

Assise à la terrasse du Snack du Soleil, Roseline, née dans le quartier, met tout le monde d’accord : « Moi j’aurais mis des bancs pour les gens qui ne veulent pas consommer, une fontaine… Bon remarquez… avant, c’était un parking, on va pas se plaindre ! »

Eric Besatti

1. Charles-Raymond Privat était maire d’Arles de 1947 à 1971. Il était à la SFIO et venait du milieu enseignant.

2. Les bombardements alliés (américains) visant les ponts et la gare pour empêcher la retraite allemande durant l’été 1944.

3. Kébab frites, sauce blanche, salade-tomate-oignon (avec un petit peu de harissa, conseil de la rédaction) : 4€50. Snack du Soleil.

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