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Lacroix croise les destins d’Arlésiennes

Lacroix croise les destins d’Arlésiennes

Des Arlésiennes qui portent la coiffe pour la première fois. Christian Lacroix réinvente la figure de l’Arlésienne dans son exposition à la chapelle de l’hôtel Jules César pour ces Rencontres de la photo 2014. Une vision contemporaine, rafraîchissante et iconoclaste.

Elles sont treize, elles viennent de tous les horizons, mais elles ont toutes un lien fort qui les rattache à Arles. Elles apparaissent toutes habillées du fichu et de la coiffe, les deux éléments essentiels du costume arlésien, dans une série de photographies visible à partir du 7 juillet 2014 à la chapelle du Jules César. « C’est une idée qui me trottait dans la tête depuis longtemps. Montrer la population arlésienne actuelle, dans sa diversité », explique Christian Lacroix qui a choisi Clément Trouche, spécialiste du costume, passionné d’histoire, d’art et d’Arles et le photographe arlésien Philippe Praliaud, talentueux et délirant, pour mettre son idée en œuvres.

A gauche en short, Clément Trouche, styliste. Derrière l’objectif : le photographe Philippe Praliaud. A droite, Christian Lacroix, le commissaire de l’exposition. Photos Lionel Roux.

 

Entre tradition et modernité
« C’était un vrai défi. Parler du costume, c’était parler de quelque chose de sacré », explique Clément Trouche. « Le costume était tellement en mouvement au XIXème siècle et il ne l’est tellement plus maintenant dans la tête des gens ». C’est cette créativité, cette spontanéité, qu’il a voulu retrouver pour ces clichés. « Les dernières Arlésiennes qui s’habillaient portaient seulement la coiffe. Elles la portaient tous les jours, c’était quelque chose de très naturel, spontané. C’est un effet que j’ai essayé de retrouver pour les photos ». Et en même temps, ces photos sont d’une modernité revendicatrice. Que cela plaise ou non, les Arlésiennes ne sont pas toutes des brunes aux yeux noirs. Paradoxalement, le modèle de l’une des représentations de l’Arlésienne en costume qui a le plus marqué cet idéal de beauté était Algérienne. Claire, l’une des modèles, née à Arles, a voulu porter le costume quand elle était petite. Mais on lui a indiqué qu’elle ne pouvait pas, « parce qu’elle était trop blonde », raconte Clément Trouche.

« Cela va peut-être choquer les ayatollahs de la tradition. Mais ce n’est pas le but », affirme Christian Lacroix. L’idée est de montrer une vision à la fois traditionnelle et moderne de l’Arlésienne. Cette tension, cette dualité, est constitutive de la ville. « Arles a toujours été à la fois absorbée par son passé et propulsée vers l’avenir, bon gré, mal gré ».

Photos d’Arlésiennes de Philippe Praliaud présentées par Chistian Lacroix aux Rencontres d’Arles 2014.

Cette série était une expérience unique pour les treize modèles. La plus jeune est Léanna, 17 ans, la doyenne, Jasmine, a bientôt 85 ans. Najet, trente ans, est l’une d’entre elles. Elle est née au Maroc, et y a vécu jusqu’à ses huit ans. Avant d’habiter en Corse, puis à Arles, à la Roquette, où elle est depuis maintenant quinze ans. « Porter la coiffe, pendant quelques heures, ça m’a fait vraiment plaisir. C’est tellement magnifique quand on les voit passer dans la rue. Pour moi c’est la représentation idéale de la beauté féminine. Et en même temps c’est une beauté froide. Des fois je leur souris, mais il n’y a pas de retour. Je rêve de porter le costume entier un jour. Mais j’ai l’impression de pas avoir ma place. Sans fréquenter de personnes qui s’habillent, c’est pas possible de le faire. C’est le seul bémol. Qu’il n’y ait pas plus de partage, qu’ils restent entre eux. »

Devenir Arlésienne
La figure de l’Arlésienne fascine. Pour les hommes, comme Christian Lacroix, elle est « la femme que l’on cherche toute sa vie et qu’on n’a jamais ». Pour les femmes, pour qui elle est une figure idéale, « insoumise, belle et forte », comme la décrit Najet.

La série de photos est constituée de diptyques : une photo en civil, une autre avec la coiffe. « Mettre les deux en vis à vis rend perceptible l’infime différence, dans le maintien, le port de tête, que le port de la coiffe engendrait » souligne Clément Trouche. « C’est ce qui m’a le plus marqué. Il n’y avait pas de miroir, elles ne se voyaient pas, mais elles devenaient arlésiennes. On sentait qu’elles étaient vraiment fières. Elle n’ont pas pris ça comme un déguisement, elles ont beaucoup de respect pour le costume ».

Ce n’est pas Jasmine qui dira le contraire. Elle habite à Arles depuis trente-deux ans, elle a toujours admiré les Arlésiennes, le costume, mais n’a jamais pensé à le porter. « Cette expérience est une consécration dans ma vie d’Arlésienne ».

Clémentine Morot-Sir
Article initialement publié dans le gai savoir quotidien du 7 juillet 2014

 

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