Sélectionner une page

AAKB : A la sueur des champions

Régionaux, européens, mondiaux… Combat après combat, l’Association arlésienne de kick-boxing (AAKB) complète sa collection de titres. Ce club arlésien de boxe pieds-poings façonne des champions bien connus dans le milieu. En coulisse, à l’abri du strass des grandes affiches, les boxeurs sont loin de s’entraîner dans les meilleures conditions…

Article publié dans l’Arlésienne n°5, avril 2019

Les cordes à sauter claquent sur le sol. Les scratchs des gants, le souffle répétitif des boxeurs, les coups secs sur les sacs de frappe. La musique est bien rodée. Dès 19h30, la team AAKB, Association arlésienne de kick boxing, s’entraîne dans une des salles du stade Robert Morel, à Trinquetaille. Sur l’un des quatre murs verts décrépis, quelques coupures de journaux – qu’on devine régulièrement arrachées par d’autres utilisateurs du lieu puis épinglées à nouveau – dévoilent les exploits des sportifs. Sur les photos, une tête revient souvent, celle de Mickaël Pignolo.

C’est lui qui occupe le ring aujourd’hui. Champion d’Europe en titre de kick boxing, champion de France de K-1, champion du monde W.A.K.O…. Mickaël fait ses preuves dans les cours des grands. Même si, petit, rien ne le prédestinait à un tel parcours. «  J’étais obèse, j’avais de l’asthme… Grâce à la boxe, je n’en ai plus ! » Difficile à imaginer…

 

Si, si, la famille

 

Face à lui, Wassim Imassoudat, 15 ans, moins de 52 kilos et déjà champion du monde dans sa catégorie. Wassim esquive, se protège, met des droites, des gauches sans sourciller. Il connaît bien Mickaël. Très bien même. C’est son cousin. « J’aime ce côté familial, lance le jeune boxeur un peu transpirant, sourire timide accroché aux lèvres. Même si on se donne des coups, on sait qu’on s’aime bien au fond. » « Malgré la violence, les grimaces, à la fin on se prend dans les bras, ajoute Mickaël Pignolo. La boxe, c’est du respect et de l’humain. »

La sonnerie retentit, Mickaël change d’adversaire, sans pause. « Monte tes mains ! Mais monte tes mains ! », Ali Benaïssi a les yeux partout. Le coach lâche quelques instants la dizaine de boxeurs  »loisir » qu’il entraîne, pour rappeler à l’ordre le boxeur pro. Il a de l’expérience, c’est lui qui a fondé l’Aakb, il y a 17 ans. C’est le coach de Mickaël, mais aussi son père. « Il connaît bien mes défauts, résume le jeune champion. Quand je suis pas bien, mon père essaie que je reste au top. » Et ici, pas question de faire du favoritisme.

 

Un chef d’orchestre rigoureu


« Si t’es sérieux, Ali peut te pousser jusqu’au niveau professionnel », explique Aïssa Boualem, champion poids lourd aux yeux bleus, professionnel depuis cinq ans. J’ai vu du très haut niveau, je suis allé m’entraîner à Marseille, aux Etats-Unis. Mais je suis revenu à Arles. Pour moi, Ali a un plus au niveau technique. » Pour preuve, le grand gaillard de 1m96 se rappelle son dernier combat. « Le coach m’a offert la victoire. Il a vu les failles de mon adversaire, m’a dit comment faire. Ça a marché. »

 

Lorsqu’il entraîne, Ali Benaïssi a le visage qui se durcit. Ses yeux noirs pétillants laissent soudainement transparaître toute son exigence. « Ton cours, c’est toi qui l’imposes. Un élève doit avoir confiance en toi. », explique-t-il. L’Aakb, Ali la porte avec force sur ses épaules. « Ça prend une vie… », soupire-t-il sans vraiment exagérer. Bénévolement, il passe cinq soirs par semaine dans cette petite salle où l’odeur de transpiration se mêle à celle du cuir des tapis de gymnastique usés par le temps. Ancien joueur de football, Ali tombe dans la boxe sur le tard, à 29 ans. Un soir de Nuit des champions1, à Marseille, il est séduit par la technique de la boxe française. « J’ai trouvé ça magnifique. » Quelques années plus tard, il passe son diplôme d’entraîneur et se lance dans l’aventure Aakb. Lui qui était parti pour ne faire que de la boxe de loisir, il a finalement été piqué par le virus de la compétition.

Une salle pas équipée

Fier de ses boxeurs et de leurs palmarès, Ali Benaïssi reste préoccupé, un peu frustré. «  Regardez la salle… Ça donne pas envie… » Cette salle à la peinture fatiguée, le club Aakb la partage avec d’autres associations de karaté, de danse ou encore des collégiens. Impossible donc d’avoir une armoire à trophées ou de coller des affiches et des photos pour recouvrir les murs, comme l’on peut voir dans d’autres salles de boxe. Et surtout, pas de véritable ring. Lorsque l’entraînement se termine, la quinzaine de boxeurs s’active une dernière fois. Ça défait les tapis, détache les cordes, baisse les poteaux, décroche les sacs de frappe. Du matériel qu’il faut parfois rapporter à l’autre bout du gymnase. « On doit venir une vingtaine de minutes avant le début du cours pour mettre en place l’espace. Et on perd encore 20 minutes à tout défaire », se désole Ali, fatigué de ce ballet quotidien.

Au-delà de l’énergie perdue, le coach assure que le club ne « travaille qu’à 30 % » de ses capacités à cause de l’absence de salle dédiée. « Avec une vraie salle, on pourrait avoir plus d’adhérents, enseigner plus de disciplines, avoir plus de formateurs. » Et les résultats pourraient être encore meilleurs qu’ils ne le sont. « Ça nous permettrait par exemple d’installer un tapis roulant. Si les boxeurs prennent un peu de poids, ils s’entraîneraient dessus pour le perdre rapidement. Là on doit courir à l’extérieur, dans de mauvaises conditions. » Pareil pour leur séance de cardio, le dimanche. Les athlètes ont besoin d’une piste avec des marques « pour les courses fractionnées ». Mais la mairie leur a refusé les clés du stade Fournier. Alors qu’importe, un combattant ne s’arrête pas devant une porte close. Surtout quand on peut sauter les barrières. Mais bon, l’option saut en hauteur, ils préféreraient s’en passer pour accéder à la piste. Et obtenir, si ce n’est du soutien, du moins un peu de considération pour les résultats obtenus. Des équipements loin d’être des détails quand on rivalise avec des clubs internationaux. Mickaël Pignolo se joint à l’avis de son père. «Si on avait une véritable salle, je pourrais m’entraîner le matin quand j’ai des combats. Je pourrais être encore mieux préparé. »

Alors, pourquoi ne pas prendre une salle ? Par manque de moyens, de subventions. « J’ai l’impression qu’on n’intéresse pas forcément la mairie, malgré nos résultats », reprend Ali Benaïssi, qui ressent par moment un certain mépris de la part des pouvoirs publics. Pour le moment, il réussit encore à garder de l’énergie et l’envie de gérer l’Aakb. Et Mickaël Pignolo ne repousse pas l’idée de reprendre la main, un jour. « J’aimerais bien être entraîneur plus tard, continuer à faire vivre ce club, à transmettre mon savoir-faire. » Tout en espérant pouvoir écrire la suite de la partition sur un papier plus adapté…

Pauline Pidoux

1. Gala de boxe annuel à Marseille qui fait s’affronter des combattants en kick boxing, boxe thaï ou K1.

L'Arlésienne : gazette – gazette – anisette

Nos ventes sont une belle part de notre chiffre d’affaires, mais ça ne suffit pas. Sans financement des collectivités territoriales, sans publicité, l’Arlésienne a besoin de vous. Pour l’existence du journal : les dons sont essentiels. Et pour avoir de la visibilité et prévoir nos enquêtes en fonction des moyens disponibles, le don mensuel, fidèle et ancré, reste la panacée de l’Hauture, la quintessence de la Camargue, le cœur de l’artichaut.