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Droits des femmes, tauromachie, politique sociale : les éclairages de Carole Guintoli, exclue de la majorité pour avoir défendu ses idées

Droits des femmes, tauromachie, politique sociale : les éclairages de Carole Guintoli, exclue de la majorité pour avoir défendu ses idées

Carole Guintoli a un franc-parler. C’est pour cette même raison qu’elle a intégré l’équipe de Carolis puis qu’elle en a été exclue. En conseil municipal, elle a porté un message incisif sur l’attribution des arènes à Ludi Arles Organisation, avec à sa tête Jean-Baptiste Jalabert. Parce qu’il était auteur de violences conjugales, elle ne pouvait pas voter pour son projet. Après trois ans de confrontation à la réalité du pouvoir, l’ancienne adjointe aux droits des femmes et à l’égalité des chances fait plusieurs constats comme le manque d’une politique sociale notamment dans les centres sociaux ou l’absence de moyens pour les droits des femmes. Déchue de ses responsabilités, elle reste conseillère municipale et continuera à porter la parole, fidèle à ses engagements.

Propos recueillis par Clémentine Morot-Sir
Photo : Marie-Océane Dubois

 

Agricultrice avec son mari en grande culture bio en Camargue, petite-fille de l’Arlésien Lucien Guintoli, fondateur de l’entreprise de terrassement Guintoli SA, l’ancrage de Carole Guintoli dans le territoire est fort. Tout autant que son attachement pour ce dernier. Elle aime la nature, « sa » nature, les chevaux, les taureaux. La tauromachie. Et les gens. Avant d’entrer en politique comme adjointe au logement, égalité des chances, droits des femmes et la lutte contre les discriminations, elle était militante à Aides (association de lutte contre le sida). Elle a également été bénévole pendant dix ans au sein d’un établissement de soins palliatifs : la maison de Gardanne. Elle parle de cette expérience avec passion, comme un élément marquant dans son parcours, qui a nourri son envie de s’engager pour la défense de valeurs humanistes et de dignité humaine.

C’est pour défendre ses valeurs qu’elle a bravé les menaces du maire. Il promettait d’exclure de la majorité et de retirer ses délégations à tout élu qui s’abstiendrait ou voterait contre la l’attribution de la gestion des arènes d’Arles à Jean-Baptiste Jalabert et Ludi Arles organisation. Elle avait prévenu le maire qu’elle n’irait pas contre ses convictions. Elle a donc voté contre en prenant la parole de manière puissante, libre et incisive lors du conseil municipal du 24 novembre 2023. Quelques jours plus tard, elle était évincée de la majorité et le maire lui retirait ses délégations, comme ce fut le cas de Serge Meyssonnier un an auparavant, lui aussi coupable d’avoir une trop grande liberté de ton.

 

Comment votre parcours vous a poussée à vous engager dans la politique locale ?

Comment je suis arrivée auprès de Patrick de Carolis ? Parce que j’ai été sollicitée par un ami commun qui savait que j’étais engagée socialement. On m’a demandé si j’étais d’accord pour participer au programme. J’étais dans la commission qui était animée par le Dr Erick Souque, qui est l’adjoint aux solidarités. Il y a eu beaucoup de contributions de gens qui étaient de la société civile qui se sont mobilisés pour apporter leurs idées, donc tu portes une responsabilité. Avec mon mari on a aussi fait partie de la commission Festivités, tradition.

Ensuite quand Patrick de Carolis m’a proposé de faire partie de l’équipe municipale, au départ, je lui ai dit que c’était une mauvaise idée parce que j’avais beaucoup trop de caractère et que je n’allais pas rentrer par le chas de l’aiguille et que je dirai toujours ce que je pense. Il m’a dit : « mais faut des gens comme ça ! » Bon. Voilà.

Je ne pouvais pas avoir dit des tas de choses, avoir proposé des tas de trucs et puis, à la fin, dire aux autres: pas moi, aller à l’épreuve du réel, faire les réunions publiques, tenir les bureaux de vote, aller sur le terrain, dans les quartiers. Mais moi non. Après avoir bien discuté avec mon mari, parce que c’est quand même une aventure très, très prenante. En plus on a un métier tous les deux, être paysan, ça veut dire beaucoup de travail. J’ai un autre métier par ailleurs, je gère un patrimoine immobilier. Ça veut dire que, pendant que j’étais adjointe, j’ai travaillé sept jours sur sept pendant trois ans et demi. Je n’ai quasiment jamais pris de vacances. Donc il faut que tout le monde soit d’accord, sinon c’est pas tenable, et il vaut mieux être bien dans sa vie quand on fait de la politique (rires).

Donc j’ai accepté l’offre. Évidemment, il m’a proposé des sujets qui me tenaient à cœur, c’est-à-dire l’égalité des chances, les discriminations, les droits des femmes, parce que c’était vraiment mon sujet.

Comment étaient vos relations avec le maire, avec les autres adjoints ?

Alors je me suis très, très bien entendue avec le maire. Le maire est une personne très cultivée, très drôle en privé. C’est un humaniste réellement. Je ne jette pas le bébé avec l’eau du bain. Ça ne se passe pas bien mais cet aspect de sa personnalité existe bel et bien et je peux en témoigner. Il n’a pas d’a priori sur les personnes, il prend les gens tels qu’ils sont. Et c’est quand même une grande qualité. Mais il n’arrive pas à se servir de cette qualité politiquement. Parce que c’est pas un politique. Il n’a jamais fait ça non plus de sa vie, c’est un néophyte, comme la plupart des élus. Et ça le dessert dans sa mission, parce qu’il n’a pas vraiment de sens politique. Et il ne sait pas s’entourer des gens qui pourraient lui donner ce sens politique.

 

Qu’est-ce que ça a provoqué au sein du fonctionnement de la majorité, ce manque de sens politique ?

Ça provoque qu’il y a des sujets importants auxquels il ne prête pas assez attention, par exemple les sujets sociaux. Erick Souque, qui est un type génial. Je le connaissais pas non plus avant, mais quand on s’est rencontrés, au bout d’un mois, je disais : « mais tu es tout le temps médecin, en fait ». Il a une approche holistique des problèmes. Il a toujours une attitude de soignant donc c’est quelqu’un de profondément gentil et humain aussi, mais qui, pour moi, n’a pas non plus la niaque d’aller au-delà, d’imposer ce qu’il fallait imposer en termes de politique sociale dans notre ville. On n’a pas réellement de politique sociale. Extrêmement peu de moyens. Ce n’est pas toujours une question d’argent, mais il en faut. On ne va pas se mentir, il en faut pour faire. Mais il y a aussi la volonté ! Et je trouve qu’on a manqué de créativité et de volonté sur beaucoup d’aspects sur la politique sociale dans la ville et je suis déçue par rapport à ça.

 

Comment expliquez-vous ce manque de volonté politique ? Parce qu’il y a quand même des remontées, les centres sociaux qui protestent…

Mais bien sûr qu’ils protestent et ils ont raison, ils ont raison de protester. Sans êtres humains on ne peut porter aucun projet (les centres sociaux arlésiens sont laissés en sous-effectif par l’actuelle mairie, ndlr). La structure centre social, c’est rien s’il n’y a personne dedans. Donc il faut des gens qualifiés pour écrire des projets, pour aller chercher des financements. On n’a pas eu ça, un coup au Trébon, un coup à Barriol. C’est multifactoriel, il n’y a pas que le manque de volonté, il y a aussi qu’on est confronté, comme dans tous les secteurs d’activité, au manque de personnel qui a envie de travailler. Donc c’est multifactoriel, mais à un moment donné il faut prendre un truc et aller de l’avant ! Se dire : « on va staffer (recruter des agents, ndlr) le centre social pour qu’au moins on puisse se reposer sur des gens à l’intérieur pour aller porter des projets et aller chercher des financements ».

 

Dans vos différentes délégations, égalité des chances, droits des femmes, lutte contre la discrimination et logement, qu’est-ce que vous avez pu mettre en place ?

Quasiment rien. En fait, ce qui s’est passé, c’est que, sur le plan de l’égalité des chances, mon action était par rapport aux centres sociaux, puisque j’étais vice-présidente de l’Epacsa (Etablissement public de gestion des centres sociaux administré par la mairie, ndlr). Et sur les droits des femmes et les discriminations en réalité, depuis le début du mandat jusqu’à l’année dernière, je n’ai pas eu d’agent. L’élu, il peut pas travailler s’il a pas d’agent, de fonctionnaire. (L’agent en question a été recruté en 2023. Il est coordonnateur du Conseil communal de sécurité et de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CLSPDR), ndlr.)

J’ai quand même fait déjà beaucoup de choses. L’année dernière j’ai suppléé le directeur du centre social de Barriol, parce que, comme il n’y avait pas de directeur, pas de référent famille, on a dit : « on ne fera pas de fête de Noël ». J’ai dit ça, c’est pas possible. Donc, c’est complètement hors les clous, mais ça sera moi le directeur du centre social. Je ferai le directeur, je ferai le fonctionnaire. Donc, j’ai reçu les associations à coordonner. Je suis allée faire les courses Leclerc avec les agents. J’ai fait les petits sachets pour mettre des papillotes et des mandarines. J’ai fait comme si j’étais un agent du centre social, parce que pour moi c’était impossible qu’il y ait un quartier ou un village d’Arles, qui n’ait pas son Noël.

Donc je n’ai pas eu d’agent. Pas staffée donc pas de projet. Donc deux modestes petits déjeuners avec le maire le 8 mars.

Après mon action est financière. J’ai maintenu des subventions pour le CIDFF (Centre d’information sur les droits des femmes et des familles, ndlr). Je les ai sollicités pour des actions dans les centres sociaux. Et surtout, j’ai contribué à favoriser l’émergence de La Collective. La Collective, ce n’est pas une idée des élus, c’est les gens qui viennent vous voir en disant: j’ai une idée et c’est à nous de les encourager. Première année, c’est la règle: pas de subvention. Mais on leur a fait des lettres de recommandation pour tous les autres financeurs potentiels. Et l’année d’après leur création là, par contre, j’ai décidé de leur attribuer une bonne subvention (4000€ en 2023, ndlr). Ce lieu est exceptionnel pour les femmes, ça manquait, ça manque de partout où il n’y en a pas.

 

La cause des violences faites aux femmes, c’est une cause qui vous tient particulièrement à cœur ?

Ça me tient particulièrement à cœur, je pense qu’on en a encore pour des années et des années de combat. Bien sûr. Sur le plan des violences… Je trouve que cette banalisation est épouvantable. Et ce qui s’est passé en conseil municipal, ça m’a anéantie. Je me suis dit : « Si Jean-Baptiste Jalabert avait fait des attouchements sur sa fille, la terre se serait arrêtée. On est d’accord et heureusement. Il a frappé sa femme. Ça, ça n’arrête pas la marche du monde. Tout sujet est toujours supérieur à l’intérêt des femmes. Toujours. Il y a toujours plus urgent, plus sérieux, plus grave. Il y a toujours quelque chose de plus. Pour moi c’est insupportable. Là c’était : « c’est pas le sujet ». Ben si. Ça devrait l’être.

 

A l’échelle d’une ville, qu’est-ce que vous pouvez mettre en place comme dispositifs pour lutter contre les violences faites aux femmes ?

Il y a à Arles des signalements que le maire a dit supérieurs aux années précédentes (dans une interview pour BFM TV le 16 novembre 2023, Patrick de Carolis évoquait une hausse de 19% des violences intra-conjugales, ndlr). Il y a aussi le fait que l’on est plus structuré pour écouter la parole. C’est un ressenti, donc je ne peux pas argumenter, mais je ne pense pas qu’il y ait plus de violences faites aux femmes sur Arles que les années précédentes. Il y a juste plus d’encouragements à signaler et plus de lieux d’écoute et plus de gens qui sont formés à écouter. Et sur le territoire, entre le CIDFF et La Collective, on a quand même des gens qui sont au top de l’écoute et de la capacité à répondre à ces trucs-là.

Là, ce que j’avais mis en place avant d’être délestée de mes délégations, c’est la formation par le CIDFF à l’accueil des femmes victimes de violences par la police municipale. C’est des sessions de douze ou quinze salariés donc là, à terme, c’était de former toute la police municipale, qui peut dans le cadre de ses fonctions, avoir à traiter ce genre de trucs. Je pense que ça a démarré là, j’ai pas eu de nouvelles de David (Tellez, ndlr). On avait travaillé ensemble ce projet de formation. Je pense que la formation, c’est hyper important. C’était le début de mes velléités, je pouvais enfin faire quelque chose avec les droits des femmes, et ça s’est arrêté en vol.

La vie politique, c’est un partenariat avec les associations et avec les citoyens qui s’engagent. On ne peut rien faire tout seul. Il n’y a que le collectif, et le collectif peut être très puissant, mais attention. Ce que le collectif fait, l’individu peut le défaire Il faut toujours penser à ça. Et là, je pense que tout ce qui se passe dans la mairie, c’est un peu ça. Notamment dans le cercle rapproché du maire. Il y a des personnalités qui peuvent défaire un collectif, qui était parti avec beaucoup d’envie et beaucoup de fraicheur. Je ne dis pas qu’il y a pas eu des maladresses voire de l’incompétence, parce que la plupart d’entre nous n’avions jamais fait partie de ce type d’expérience, donc il fallait qu’on apprenne. Donc, il y avait des maladresses, mais il y avait de la fraîcheur, il y avait de l’envie. On est broyé à l’exercice du pouvoir quand même.

Il y a des dysfonctionnements qui se sont mis en place ?

Oui, l’administration a pris beaucoup le pas sur le politique. Et aussi parce qu’on n’est pas structuré, parce qu’on n’a pas de chef de cabinet. Il n’y a personne qui emmène la majorité. L’aspect municipal, la direction générale des services, on n’a pas ça au sein de la majorité. On n’est pas bon dans cette organisation-là. Le maire qui travaille beaucoup ne peut pas être le chef d’orchestre. Il a la vision politique mais derrière il faut quelqu’un qui anime tout ça. Comment tu le rends concret? Réel ? Ok on a fait des discours mais comment on réalise des projets ? Et ça on en manque, du coup l’administration prend le pas sur le politique. Puisqu’on ne sait pas le faire, c’est le fonctionnaire qui le fait. Et il fait peut-être pas comme on a envie. Et nous, on est du coup déclassés. On n’a plus le discours qui est adéquat avec la réalisation.

 

Est-ce que vous avez des frustrations, des projets qui n’ont pas pu aboutir ?

Des frustrations oui … J’ai beaucoup beaucoup milité auprès du maire pour qu’il m’écoute. Pour qu’il écoute le ressenti dans les centres sociaux, dans les quartiers. « Ça va pas, on fait pas bien. On n’a pas une vraie politique. C’est pas visible, c’est pas lisible. On nous fait pas confiance. On engrange que de la déception. Il faut qu’on redresse le tir » et j’ai pas été écoutée ou pas entendue. Ou entendue mais pas écoutée.

Là on a une divergence de valeurs. Moi j’ai vraiment envie d’exemplarité. J’ai vraiment envie que les gens croient au politique. Je pense que y a une position à avoir, on doit du respect aux gens, on se doit d’être… irréprochable c’est impossible mais de tendre vers une forme d’irréprochabilité. Ça doit être l’objectif. Et c’est comme ça que les gens auront à nouveau confiance dans la parole politique. Et c’est parce que, au contraire, des gens comme moi vont rester droits dans leurs bottes et dire « non, ben non, je peux pas voter pour un type qui a cogné sa femme », même si c’est pas le sujet, c’est le sujet ! Et à ce titre d’ailleurs, la gauche m’a beaucoup déçue, a minima, tu t’abstiens quoi (les deux élus de Changeons d’Avenir se sont abstenus, Nicolas Koukas avec les conseillers issus de la liste Le parti des Arlésiens ont voté pour la délégation des arènes portée par l’entreprise de Jean-Baptiste Jalabert, ndlr). Je pense qu’ils n’ont pas compris. Tu ne peux pas mettre en lumière, à l’honneur, quelqu’un qui a été condamné ! Moi, je suis désolée, depuis que je sais ça, je ne vais plus aux arènes et je ne veux plus être en photo à côté de lui. Je suis élue aux droits des femmes. C’est, c’est inconcevable que tu puisses à cinq heures être sur la photo, serrer la main, dire bonjour et, à huit heures, être à un colloque en disant : « ah non, c’est pas bien, faut plus le faire ».

Et ça n’a pas été l’avis du reste de la majorité ?

Non, alors le reste de la majorité. Il faut dire quand même qu’on n’a pas eu le choix. Dire que, clairement, la consigne c’était que si on s’abstenait, si on votait contre ou si même on était absent, on serait exclu de la majorité et on nous enlèverait nos délégations. C’est la raison pour laquelle monsieur Lescot a dit « Je vote pour cette délibération parce que je n’ai pas le choix » parce qu’il n’a pas envie d’être exclu de la majorité. J’étais la plus libre pour porter la parole. Je pense qu’il y a des gens dans la majorité qui, sans être complètement de mon côté, ont tout à fait compris et auraient été capables de, a minima, s’abstenir. Pas forcément des femmes d’ailleurs, mais voilà. Mais ils ne l’ont pas fait, parce que la menace était trop forte d’être ostracisés.

 

Après il y a aussi d’autres raisons pour lesquelles vous avez voté contre ? Par rapport à des dysfonctionnements dans la procédure d’attribution ?

Oui, j’ai déposé un signalement sous l’angle de l’article 40 au procureur de la république. J’en ai fait copie à la sous-préfecture. Je ne vais pas m’étendre sur le sujet parce que je laisse la justice faire et je ne veux pas court-circuiter une procédure.

Ce qui a été dit en conseil municipal, je peux le redire. Le maire nous a fait part de dysfonctionnements au sein de l’administration avec certains agents ayant des responsabilités dans le dossier de la procédure de passation de service public. Il y a des agents dont la proximité avec le délégataire est très grande. Alors qu’on nous avait demandé de signer une charte de confidentialité. Tous les élus et tous les agents. Charte que je n’ai pas signée. Parce que je suis immergée dans ce milieu et que je ne peux pas. Tous les jours, je suis en contact avec des gens qui sont dans la tauromachie, dans l’élevage.

Voilà donc, je n’ai pas pu signer. Il y a des élus qui ont été exclus pour leur trop grande proximité, soi-disant, avec l’un ou l’autre des candidats, alors que des agents qui ont été au cœur de la procédure, sont et affectivement et financièrement liés par des contrats de travail. Donc, j’ai juste alerté le procureur sur ce deux poids, deux mesures et que c’était quand même étrange.

Au conseil municipal, vous avez parlé de fuites de documents ?

Oui, il s’avère qu’il y a eu des rumeurs qui ont été confirmées par le maire, que la direction du service juridique avait fait fuiter des informations. Ce qui est réel puisque au moins un membre d’une des deux équipes a su des choses, non officiellement, avant d’être avisé officiellement par la mairie. Et là, il s’agit du mundillo comme on dit, de la place du Forum et des gens qui sont dans la tauromachie, et il y en a énormément, évidemment, dans Arles et dans la mairie, comme ailleurs. Donc des choses étaient dites avant d’être déclarées officiellement. Donc, c’était quand même problématique. J’en ai alerté le maire, il a dit que c’était des rumeurs, qu’il fallait pas s’en inquiéter, qu’il fallait faire confiance à l’administration. J’en ai aussi averti la présidente de la commission d’appel d’offres qui m’a tenu le même discours. Il y a un faisceau d’indices, mais un faisceau d’indices en droit, ça peut constituer une preuve au bout d’un temps, quand il y en a suffisamment. Plus les preuves que j’ai de captures d’écran et puis d’autres documents. Ça m’a paru suffisant.

 

Et est-ce que vous connaissez personnellement des personnes de LDS concept ou de Ludi Arles organisations ?

Je connais tout le monde. Jalabert, c’est quelqu’un qu’on connaît évidemment, parce qu’on est aficionados et qu’on l’a suivi partout dans le monde dans ses corridas, etc. Après on a eu des différends, c’est un autre truc mais je connais tous les gens qui sont dans son équipe. On se connaît tous. Et c’est pareil pour l’équipe LDS concept, il y a des gens là-dedans qui sont presque des amis. Et pour dire c’est vrai que j’ai des liens très, très forts avec la tauromachie. Je me suis mariée à la Chassagne, qui est le domaine de Jalabert, et je me suis pacsée chez Pierre-Henry Callet, Malaga, à Maussane (dirigeant de LDS Concept, ndlr). Je ne peux pas nier les liens que j’ai avec tous. Mais vu que je n’avais pas accès au dossier, je suis tout à fait tranquille. Le maire parle de l’arroseur arrosé, c’est une menace qu’il avait déjà proférée en privé quand j’avais annoncé que je voterai contre la délibération. Et lui je lui ai dit que je comprenais pas de quoi il pouvait parler, puisque je n’avais accès à rien, à aucun moment de la procédure je n’ai eu un document ou une information qui aurait pu être donné à l’un ou l’autre des candidats, dont je suis vraiment tranquille.

Par rapport à la contestation de l’attribution des arènes, c’est fréquemment contesté, dans différentes villes de tauromachie, comment vous l’expliquez ?

Je l’explique par la situation de monopole, ou quasi-monopole, de Jalabert et de Casas sur la gestion des arènes en France et en Espagne. Comment on fait pour sortir de ce monopole ? Vous savez c’est un truc de multinationales par rapport aux artisans, ça. Moi je suis issue de ça, dans les travaux publics, il y a eu ces problèmes de monopole et le législateur, ou le politique, a bien réussi quand même à rééquilibrer un marché. Guintoli serait pas Guintoli s’il n’y avait pas eu l’ouverture de ces trucs. Ça aurait été impossible. Mon grand-père n’avait pas de diplôme, il a démarré avec un tracteur. Aujourd’hui, c’est pareil ce qu’on voit, c’est un type, c’est LDS, il a un tracteur et une pelle. Et il dit « moi aussi je voudrais faire un chantier là, mais je suis capable de faire une route ici, je vous assure. J’ai les capacités, j’ai la volonté, j’ai une équipe ». Et on lui dit : « tu es qui toi ? » Et on va prendre Bouygues, Vinci, et on ne te donne pas ta chance.

Le monopole, ça ne peut pas fournir une concurrence saine. Comme les employeurs c’est toujours les mêmes, celui qu’ils ne veulent pas prendre, même s’il est bon, il reste au bord du chemin. Il y a beaucoup d’échanges en tauromachie.  « Si tu me prends un tel là, je te prendrai quelqu’un d’autre là ». C’est comme ça que ça marche. Moi je voudrais qu’il y ait de la pluralité de propositions. Je ne suis pas la seule, on est un certain nombre. On voulait changer les choses et les choses n’ont pas changé. Non seulement sur la forme, mais sur le fond non plus. Insidieusement, l’administration s’est arrangée pour que tout soit fait, que rien de change.

Et puis il y a qu’une façon de faire les choses, d’une façon équitable. Si tout le monde est traité de la même façon, y a pas de débat. Ici, c’est le plus gros qui gagne, c’est parce que c’était le meilleur. Mais ça ne s’est pas fait comme ça. Donc le plus petit peut même pas prouver qu’il est le meilleur. C’est déjà fait d’avance et c’est ça que je dénonce.

Après y a les deux aspects clairement. Depuis le début quand Jean-Baptiste Jalabert a été condamné, j’avais prévenu le maire. Je lui dis « attention, moi en aucun cas je ne pourrais voter, je ne peux pas voter pour un type qui cogne sa femme, ce n’est pas possible ». Mais ça ne me paraissait pas incompatible avec ma présence au sein de la majorité municipale. Je pense que tout le monde aurait compris que je ne pouvais pas faire autrement sur une délégation que le maire lui-même m’a confiée. Il y a une sorte d’absurde là-dedans. C’est toi qui m’a dit de m’occuper des femmes. Maintenant, tu me dis: « non, il faut voter pour le cogneur de femmes ». Tu comprends bien que c’est pas possible. Voilà. Donc, je pense que tout ça, ça serait passé, parce que je l’avais prévenu depuis le début. Et après il s’est rajouté tout le reste du truc qui montre bien que de toute façon, ils n’avaient pas envie de changer. De mon point de vue. Ça, ça sera à la justice de trancher.

 

Depuis vos délégations vous ont été retirées unilatéralement ?

Complètement. Moi, évidemment, c’est pas mon choix. J’aurais voulu continuer à m’occuper de ce dont je m’occupais précédemment.

Comment vous voyez votre nouvelle place maintenant au sein du conseil ?

Je suis ma propre opposition. Contrainte et forcée. Je n’en ai pas envie. J’ai adhéré au projet Patrick de Carolis, je ne me renie pas. Donc, je suis ma propre opposition, constructive. Je vais venir sur les sujets dont j’ai l’expertise. Et sur les sujets sur lesquels les Arlésiens voudront bien me mobiliser. Donc, je serai toujours vigilante sur l’action sociale. C’est mon engagement, j’ai toujours fait ça. Je ne vais pas m’arrêter aujourd’hui. Je n’ai plus l’instrument que me donnaient les délégations et je le regrette mais je ferai toujours mon possible pour faire ma petite part du colibri.

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l’Arlésienne n°18 – hiver 2024