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Des petites mains protectrices

Des petites mains protectrices

Ils sont mobilisés pour les mineurs, personnes en situation irrégulière ou les familles des bidonvilles. Des bénévoles se donnent la mission d’aider celles et ceux qui sont en difficulté.

« Essayer de ne pas les laisser tout seuls », voilà le mot d’ordre que se fixent Sylvie Séquier et ses camarades membres du Réseau éducation sans frontières (RESF) à Arles. « Faire sortir ces jeunes et ces familles de la clandestinité », précise Frédérique Bareau, également membre du collectif.

Protéger les jeunes
Comme avec ce jeune Africain qui mobilise les forces du collectif. Il rentre en France en tant que mineur donc protégé d’une expulsion. Il est alors pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance, scolarisé et hébergé au foyer de Raphèle. Mais le service du conseil départemental ne valide pas l’acte de naissance de son pays d’origine et pratique des test osseux et dentaires pour définir son âge. Malgré l’imprécision scientifique de la procédure, c’est une pièce reconnue officiellement par les services de l’Etat. Le couperet tombe, il est déclaré majeur et donc mis à la porte du foyer pour mineurs avec une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Ses professeurs prennent connaissance de sa situation et font appel aux militants de RESF pour ne pas le laisser à la rue. Ces derniers montent un dossier pour « faire sauter » l’OQTF, protéger le jeune homme en danger s’il rentre dans son pays. Le climat y est loin d’être apaisé, plusieurs membres de sa famille ont été assassinés, sait RESF. « Les gens qui viennent ici ne le font pas par plaisir, mais par obligation », se sent obligé de préciser Fabrice Peyre, professeur également membre du réseau qui revendique simplement « l’humanisme » de leurs actions.

Mais le dossier est refusé par la Préfecture des Bouches-du-Rhône. Refus confirmé en appel par le tribunal administratif. Depuis, le jeune homme est expulsable à n’importe quel moment. Il est depuis hébergé ou plutôt caché par des familles arlésiennes volontaires, pour ne pas le laisser à la rue et le garder en sécurité en France. « Nous sommes dans une impasse juridique », s’exaspère Sylvie Séquier, bien épaulée dans les travaux par les juristes du Centre d’information sur le droit des femmes et des familles (CNIDFF). « Nous sollicitons le ministère, il n’y a plus que ça ». Et dans ce genre de cas, il faut parfois pousser les autorités dans leurs retranchements. Comme pour Efrem, le jeune Erythréen qui après des mobilisations citoyennes et des appuis politiques, a pu déposer sa demande d’asile en France alors que la procédure Dublin 2 imposait qu’il le fasse en Italie, le pays par lequel il était entré dans l’espace Schengen. Pour le jeune Africain, le réseau est en suspens. Mais la plupart du temps, les demandes exceptionnelles sont refusées. Et quand ça ne marche pas ? « Beh tu pleures », reconnaît Sylvie Séquier.

Et toute personne en danger
Par extension, le réseau, créé pour les enfants scolarisés et leurs familles, vient en aide à toutes les personnes en situation irrégulière qui le demandent. Arles n’est pas à proprement parler sur la route des migrants. Dans la majorité des cas, les sans-papiers en délicatesse sont des travailleurs agricoles ou du bâtiment. La condition pour obtenir un titre de séjour, c’est prouver cinq ou dix ans de présence sur le territoire suivant la situation. Dans la plupart des cas, le réseau tient le même langage que la Préfecture : “pour l’instant, vous ne remplissez pas les conditions”. Elle conseille de ne surtout pas déposer de dossier de peur de risquer une OQTF. Alors, il faut « essayer d’accumuler des preuves de présence et de bonne intégration ». Prouver que l’on a travaillé, même au noir. Curieux paradoxe, il faut prouver que l’on s’est bien planqué alors qu’un simple contrôle de routine peut emmener au Centre de rétention et se finir par une expulsion.

« Dès que les gens sont en danger, on les protège », explique Frédérique Bareau de RESF et militante syndicale à la FSU. Comme l’aide qu’ils ont apportée à la famille roumaine des Sandu. Un cas encore différent des migrants hors Union Européenne. Arrivés sur Arles en 2007 avec ses cinq enfants, d’abord en squat, Florin et son fameux accordéon ont bénéficié d’une chaîne d’entraide. Plusieurs familles se relayaient pour proposer un hébergement pendant que d’autres bataillaient dans les dossiers administratifs. Dix ans après ses premiers pas à Arles, c’est la victoire. La famille est aujourd’hui installée durablement, travail et logement en poche. Une victoire qui aura demandé « beaucoup d’années et d’énergie », reconnaît Frédérique Bareau, mais qui fait oublier le goût des combats perdus.

Grâce à la présence des associations, notamment de certains membres du Réseau éducation sans frontières, le Secours catholique, et la Ligue des droits de l’homme, tous les enfants du camp installé à côté d’Emmaüs sont scolarisés.

Puis il y a ceux qui sont encore dans les bidonvilles. Un collectif informel de militants s’est créé avec peu ou prou les mêmes personnes. Ils viennent en aide aux familles qui depuis 10 ans, ont navigué du Brico Dépôt désaffecté à l’ancienne bâtisse boulevard Victor Hugo sur le terrain de l’école de la photo jusqu’au quai de la Gabelle à Trinquetaille pour être aujourd’hui à côté de la communauté Emmaüs. Depuis qu’ils sont à Arles, il y a eu la famille de Vijaï et quelques autres qui ont pu trouver un travail et par voie de conséquence un logement grâce à l’appui du collectif qui a pu convaincre la mairie. Mais il reste encore de nombreuses familles dans des cabanes, sans eau ni électricité. Le collectif a réussi à scolariser tous les enfants, le Secours catholique est très présent pour l’aspect caritatif et la Ligue des droits de l’homme pour les différentes procédures. Aucune crainte à avoir, il reste du travail pour les petites mains de la solidarité arlésienne.

Eric Besatti

Voir les autre articles parues dans :
la petite Arlésienne, “les voies de l’hospitalité”, édition spéciale, 16 mai 2018.

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