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Social dans les quartiers : un abandon qui ne dit pas son nom

Social dans les quartiers : un abandon qui ne dit pas son nom

Baisse des financements, sous-effectifs, manque de projet politique, depuis l’arrivée de l’équipe Carolis, les centres sociaux sont laissés pour compte. Aujourd’hui, la situation est critique. Les acteurs de terrain tirent la sonnette d’alarme pour relancer des dynamiques et obtenir des moyens.

Éric Besatti et Clémentine Morot-Sir


Quand Patrick de Carolis se rend à Barriol, vous pouvez lui faire confiance pour le montrer sur sa page facebook. Sur son post du 20 juillet dernier, le maire est attentif, assis au milieu d’un cercle à l’occasion du petit déjeuner des femmes, événement de la programmation  »famille » du centre social. Dans la publication, un Carolis qui rappelle son « attachement à ce quartier et à ses habitants » et répète une nouvelle fois la promesse des « 116 millions d‘euros ! » pour refaire les bâtiments du quartier avec l’agence de rénovation urbaine de l’Etat (NPNRU). Mais ce que n’a pas dit Patrick de Carolis, c’est qu’en tant que maire de la ville d’Arles et président de l’agglomération ACCM (Arles Crau Camargue Montagnette), il n’a eu de cesse de baisser les budgets déjà faméliques dédiés aux quartiers prioritaires. Notamment pour ce centre social qui organise la petite rencontre de ce doux matin d’été.

Baisse des moyens Avant les élections, en 2019, la participation de la ville était de 360 000 euros contre 320 000 en 2023 soit une baisse de 11% de l’investissement municipal pour le fonctionnement des centres sociaux. Du côté d’Arles Crau Camargue Montagnette (ACCM), la communauté d’agglomération, chargée de subventionner les projets et actions de la politique de la ville à destination des quartiers : les financements ont pris un sacré coup (404 200 euros en 2019 pour 312 500 en 2022). « Le calcul est mauvais. Quand les collectivités donnent 10, l’Etat met 10 également. Que ce soit pour les centres sociaux (ville) ou la politique de la ville (ACCM), la baisse des moyens alloués fait automatiquement baisser l’investissement de l’Etat dans nos quartiers », commente un fonctionnaire sous couvert de l’anonymat.

« J’ai rarement vu un centre social et un service public socio-culturel abandonnés à ce point », lance Frédéric Trottier-Pistien, co-fondateur du Collectif solide, qui intervient au Trébon après des années de travail dans la région parisienne. Arles, ville d’exception culturelle, l’est aussi historiquement pour le manque de moyens donnés à ses centres sociaux. Dans les Bouches-du-Rhône, elle fait partie de celles qui réservent le moins de ressources à ces structures. La moyenne par centre social est de 20,6 équivalents temps plein (ETP) pour un budget moyen de 771 511 euros. À Arles, c’est quatre fois moins pour les effectifs (6 pour Barriol et 5,5 pour le Trébon). Et deux fois moins pour le budget de fonctionnement que dans le reste du département. Difficile dans ces conditions de faire preuve d’ambition pour les quartiers.

Désorganisation Au niveau des moyens humains, la dégringolade est encore plus impressionnante que pour les subventions. Comme dans tous les services, la mandature Carolis a du mal à retenir les agents en poste, au total 65 départs à la ville depuis 2020 selon les comptes de l’intersyndicale de la mairie. Et l’action sociale ne fait pas exception. À Barriol, un directeur difficilement recruté après un an de recherche est reparti trois mois plus tard. Résultat, impossible cette année de rendre le  »projet » du centre social, attendu par la Caf depuis le mois de mai. Au Trébon, il n’y a personne au secteur jeune depuis plusieurs mois, comme à celui de la famille à Barriol. Pour l’été et proposer quelque chose, il y a un vacataire à Barriol. Mais toujours est-il que le sous-effectif est tellement flagrant que les partenaires du centre social ont signé une lettre commune à la mairie (lire p.12) pour tirer la sonnette d’alarme. Il leur devenait impossible de monter des projets avec le centre par manque d’interlocuteurs, absents car non remplacés ou en surcharge de travail. « Il y a un vrai problème d’encadrement, de capacité aujourd’hui de la ville d’Arles comme de l’ACCM, à construire des projets, il n’y a plus d’ingénierie de projet », analyse un fonctionnaire connaisseur du milieu. Dernièrement, c’était au tour de la responsable politique de la ville à l’ACCM de partir après le départ à la retraite du précédent responsable. « La collectivité n’est plus en capacité de monter des projets ni d’aller chercher des partenaires financiers, c’est un cercle vicieux. »

Zéro ambition « Il y a un problème d’effectifs mais rien n’est fait pour aider au recrutement », explique Marie Andrieu, administratrice de l’Epacsa, l’établissement public qui gère les deux centres sociaux arlésiens et membre de l’opposition au conseil municipal. « Il y a un animateur prévention jeunesse à mi-temps dans chacun des centres. C’est beaucoup trop pour une seule personne, il faudrait au moins un temps complet dans chaque. Mais les élus ont refusé de faire la demande en ce sens au Département qui finance le poste. Faire une lettre pour demander de l’argent, ça ne coûte rien ! Mais ils n’ont pas voulu. Ce n’est clairement pas leur priorité ! La municipalité n’est pas à la hauteur des enjeux », conclut Marie Andrieu. « Non à une baisse constante des moyens mis à la politique de la ville, non à la désertion de l’ACCM sur ces sujets. Encore une fois ce sont les plus modestes qui pâtissent de vos choix politiques », rentrait dans le dur, Cyril Girard, élu à l’ACCM et dans l’opposition à la ville d’Arles, lors du conseil communautaire du 12 juillet dernier. « Dans le même temps, multiplication par deux des violences sexuelles entre 2016 et 2021, une augmentation de 66 % des coups et blessures volontaires dans le cadre familial. Sur cette insécurité là, aucune réponse. »

À chaque critique sur le manque d’implication de la ville pour les quartiers prioritaires, Carolis et ses élus répètent inlassablement rénovation urbaine. Tout se passe comme si politique sociale et urbanisme étaient synonymes. Les millions annoncés pour des travaux de démolition ou d’isolation viennent servir de réponse aux critiques sur le manque de vision et d’investissement dans la politique sociale. « Je voudrais aussi dire toute ma satisfaction pour que l’amélioration du cadre de vie dans les quartiers QPV puisse se faire dans les années à venir », répondait Carolis lors du conseil municipal du 1er juin suite à une tirade de Girard sur le manque de politique de prévention. En termes de travaux annoncés, les millions de l’Etat qui arrivent pour Barriol, de Vilogia pour Griffeuille ou de 13Habitat pour Barriol et Trébon servent pour l’heure d’écran de fumée. « Les élus ressassent rénovation, ça rassure. Mais c’est toujours la même merde derrière la dernière couche de peinture », résume le groupe  »IAM » dans son rap fleuve :  »Demain c’est loin ».

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