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Prendre le PLIE de l’emploi

Prendre le PLIE de l’emploi

Article initialement publié dans l’Arlésienne n°10, en mars 2021.

N’en déplaise à ceux qui pensent que les RSArds n’en branlent pas une, pour obtenir les 497 euros par mois pour survivre, on est soumis aux « obligations d’insertion ». Un beau jour de fin d’été, un coup de fil du pôle insertion du Département m’informe qu’il faut que je retourne au travail. Dans la foulée ma boîte mail reçoit une lettre qui m’invite à « contacter le Plie », pour un « rendez-vous individuel avec un accompagnateur à l’emploi ». Sous peine de « suspension de mon allocation de solidarité » si je ne m’exécutais pas. Comment j’en suis arrivée là ?

Vécu écrit par Alexandra Le Meur.
Tout est réel : citations, situations… Sauf le prénom et la personnalité inventée de Gérard.
Les photos c’est Mario.

Quand j’ai passé les concours de l’Education nationale en 2013, j’étais incroyablement motivée. J’avais l’intention de m’inscrire en thèse (« La syntaxe à l’épreuve de la neuroatypie dans l’œuvre de Virginia Woolf », ou quelque chose du genre) et de gravir les échelons de l’enseignement supérieur. J’allais finir prof HDR(1) et j’y croyais dur comme fer. Moi, Alexandra, j’étais capable d’ambitions. J’allais être une chercheuse hors pair dans le domaine de la linguistique anglaise en France, j’allais apparaître en tête d’affiche des colloques universitaires, les gens me salueraient dans la rue, et pour le portrait dans Libé on me ferait poser devant ma bibliothèque et la cheminée, un chat persan sur les genoux, un mug de thé brûlant à la main. J’allais être la première transfuge de classe de la famille, j’allais, j’allais !

Ne pas travailler, un travail qu’il est difficile
Sept ans plus tard, je suis au RSA. Pire encore, je n’ai pas de chat. L’ambition ? Disparue dans un nuage de fumée une fois le concours obtenu. Bof, ça me disait plus trop rien de gravir les échelons. Je ne voulais plus rien posséder, à part ma raison, et encore. Les tristes sires qui s’agitent et ambitionnent d’avoir de l’importance, ça n’a jamais été mon style. Non, il ne fallait pas céder à l’appel du travail, car celui-ci entraînerait l’appel de la propriété, qui à son tour entraînerait la prise du monde au sérieux et l’absence d’ironie. Je n’aurais plus pu me regarder dans une glace. J’ai donc fait l’école buissonnière, ce qui a entraîné ma radiation de l’Educ nat’ et pour manger j’ai enchaîné les petits boulots et les vacations. Mais moi ce que j’aime, c’est les vacances, pas les vacations. Comme tout le monde. Sauf que je mène la logique jusqu’au bout. On me gronde et on me dit qu’il faut travailler pour mériter mon argent, mais comme le dirait mon bon ami « T’as déjà vu un travailleur riche, toi ? » On pense que je suis cossarde alors que je suis cossérienne. Précaire de luxe et aristo désargentée, c’est ce qu’il serait écrit sur mon CV si j’étais sincère. Car ne pas travailler est en fait un métier, comme doit bien le savoir mon collègue Geoffroy Roux de Bézieux, et cette vocation prend tout mon temps. Il faut notamment jongler entre les différentes administrations, maîtriser pas moins de douze recettes à base de patates, et développer un solide sens de l’autodérision. V’la mes ‘‘compétences transférables’’. Si j’arrête de ne pas travailler en retournant à l’embauche, alors je faillis à la tâche. Ce serait une trahison, une faute professionnelle, un auto-sabotage moral. Donc j’y travaille, à ne pas travailler, et ce, 24h/24, 7j/7. Je ne prends finalement aucun congé. C’est très mal payé, mais je ne ménage pas mes efforts. J’auto-entreprends mon inactivité. Une vraie bête de non-travail, une Stakhanov de l’indolence, exerçant un dilettantisme d’arrache-pied.

Ça, c’est le discours que je tiens en mon for intérieur, et après deux mauresques en terrasse du Bar du Marché le samedi matin(2), je me trouve hyper convaincante. Sauf que. Sauf que même au RSA, il existe un principe de réalité incarné par le Département, la collectivité chargée de signer mon chèque mensuel, et qui porte le doux nom de « Pôle d’insertion ». On dirait que ça a été inventé pour des ex-détenus. In-ser-tion. Ah ! Le Pôle d’insertion… Pour ceux qui ne savent pas ce que c’est, c’est comme votre N+1 dans le monde de l’entreprise. Toujours sur votre dos, à râler, à demander des comptes, à vouloir obtenir toujours plus de vous car sans votre travail, il ne serait rien. Le Pôle d’insertion devrait être reconnaissant envers les précaires car ces derniers sont la cause nécessaire, la condition sine qua non de son existence. M’enfin bon, quand au bout de trois mois au RSA, j’ai reçu un coup de téléphone de leur part, qui fit office de premier contact avec la machine à insérer, j’ai souri comme le chat d’Alice au Pays des merveilles au combiné et j’ai évité les bons mots. « Vous comprenez Madame, il faut vous faire revenir sur le marché de l’emploi le plus rapidement possible, vous ne pouvez pas rester sans activité. » Dans la foulée, je reçois un document rédigé à ma place qui « m’engage » à prendre contact avec le Plie(3), le Plan local pour l’insertion et l’emploi sous 10 jours sous peine de « suspension de mon allocation ». J’étais partagée. D’un côté, je me sentais désirée : je manquais visiblement au monde de l’emploi. De toute évidence, dans cet univers parallèle, les gens se demandaient où j’étais passée. Etoile déchue de l’ambition carriériste, rock star éclair de la Recherche, on s’inquiétait pour moi, et j’avais des fans à honorer. D’un autre côté, je ne suis bonne qu’à écrire des bêtises et à lire les étoiles(4). Pour quel genre de bullshit job(5) faudrait-il que je concède de léguer mon temps, le seul bien précieux que je possède, pour faire dégonfler les chiffres des désinsérés ? Je n’en dormais plus la nuit. Je faisais des cauchemars dans lesquels j’étais happiness manager, ou bien gérante de lits dans un service de réa. Plus probablement, j’allais devoir redevenir précaire des salles des profs ou bien retourner taffer en restauration ou à l’usine, ou tout autre taf dit alimentaire. Les jobs alimentaires, personne ne veut se les faire, mais tout le monde t’incite à te les taper, surtout ceux qui n’en ont jamais fait l’expérience. Et donc l’équilibre de pacotille avec lequel je négociais depuis quelques mois était sur le point de péricliter. On me mettait la dragée haute pour toucher 500 balles. C’est un travail affreusement mal payé, je vous le répète. Mon RSA, il fallait que je le mérite, que je reparte à sa conquête. C’est comme ça que j’ai décidé d’interpréter le CER (Contrat d’engagement réciproque) qu’il me fallait signer après validation de mon projet professionnel afin de ne pas être sanctionnée, pénalisée par une suppression du revenu solidaire. Pas de bras, pas de chocolat, pas de contrat, pas de RSA. Quand j’ai demandé si je devais signer avec mon sang, on m’a répondu que le stylo Bic suffisait. L’administration de l’insertion manque cruellement de romantisme et de panache et après on se demande pourquoi on rechigne à s’y soumettre. Pour l’heure, j’attendais mon premier rendez-vous physique pour la signature du contrat quelques semaines plus tard avec mon accompagnateur attitré, Gérard, dans les locaux du Plie3 (Plan local d’insertion pour l’emploi), un vieil immeuble de centre-ville situé boulevard Gambetta, entre Aquatiti et Mariage & séduction.

Lors de mon premier rendez-vous avec Gérard pour signer le Contrat d’engagement réciproque, quand j’ai souligné qu’un contrat sous-tendait forcément un « engagement réciproque » de la part des co-signataires et que cet intitulé pléonastique réveillait en moi des instincts paranoïaques, Gérard m’a tout de suite rassurée. Ici, rien n’est obligatoire, il propose simplement d’être mon humble serviteur, mon chevalier conquérant sur le champ de bataille de l’emploi. Ce que je n’avais pas encore compris, c’est que ce dispositif n’est effectivement pas obligatoire, mais la signature de contrat, si. Mais les frontières entre le Plie et le pôle insertion du Département sont si poreuses que l’on vous dirige automatiquement vers le Plie sans demander votre avis. Sous peine de « suspension de mon allocation de solidarité », si l’on refuse de s’y soumettre (voir p.48). Dans les chemins sinueux qui mènent à l’administration, les apparences sont souvent trompeuses. Et mon fidèle Gérard n’est pas directement un agent du Plie, mais engagé par Teef, l’association d’insertion tarasconnaise qui a ses bureaux au Plie, l’administration française s’étant appropriée l’effet poupée russe3.

Psychologisation du politique, Millenials et cabaret
Dans le couloir du Plie, j’aperçus une petite infographie représentant le classement des différentes générations, allant des baby-boomers (pour qui la carrière est sacrée. Comprenez : ça leur a permis de contracter des crédits à la consommation jusqu’à hypothéquer leur maison) aux Millenials (des sales petits ingrats qui n’aiment pas l’autorité) (je résume). A coups de schémas grossiers au stylo Bic, mon accompagnateur m’indiquait où je me situais dans le processus du Plie et me questionnait sur mes ambitions. Comme vous pouvez l’imaginer, j’étais aussi à l’aise qu’une paysanne auvergnate sur le divan d’un psychologue lacanien.

« Vous vous voyez où, vous, en octobre 2021 ? » Nous sommes alors en octobre 2020. Je fus tellement frappée par l’absurdité de la question, que je restais interdite quelques secondes. Le vieux monde est en train de crever et tu voudrais que je fasse autre chose que rêver ? En plus, le travail est une catastrophe écologique, je l’ai lu sur un tract CGT et dans un numéro de Grazia !(6) On nous martèle depuis des années qu’on a épuisé notre crédit en eau, que la biodiversité est en train de crever, que la Camargue est en train de disparaître, et tu me demandes, après une année qui a mêlé pandémie, confinements et pertes des libertés individuelles, où je prends le loisir de me projeter dans 12 mois ?! Mais dans 12 mois, on aura peut-être annulé les élections ! Peut-être qu’on aura vécu de nouveaux drames écologiques, les explosions des usines du bassin phocéen, et des confinements à la pelle ! J’occuperai une ZAD ! On aura peut-être muté ! On sera redevenus nomades ! J’en sais foutre rien ! Je refuse de nourrir les passions tristes collapsologistes mais je refuse en bloc de faire semblant de croire que tout n’est pas en train de se casser la gueule ! Dans 12 mois, plaise à Hermès, je fais un grand banquet avec les êtres qui me sont chers et j’écris de la poésie sur mes plants de patates ! C’est quoi cette question complètement déconnectée de la réalité ?
« Madame ? »
Ah ! ça, je vais lui démontrer l’absurdité de sa question ! C’est complètement irresponsable !
Criminel ! Il va être content du voyage !

– Madame, en octobre 2021, vous vous voyez où ?
– Euh, je… grblm… Vous savez, c’est compliqué pour les… les Millenials… gnnnn… Les chiffres du chômage et ceux de l’emploi(7)… la pollution, grmbl, faut couper l’eau du robinet quand on se brosse les dents, le climat politique, grgnnn, vous savez, nous, les Mill… les Millenials, on …
– Je vois… je vais vous faire une proposition qui pourra vous aider. Je pense qu’il serait judicieux d’organiser une réunion tripartite avec ma collègue psychologue. Silence, flottement.
– Mais euh, je… je vais très bien, moi, j’ai pas besoin d’ai…
– C’est pour lever vos freins à l’emploi…
– …mais, j’ai pas de freins, j’ai même pas de voiture…
– …et que vous regagniez la confiance perdue dans le marché de l’emploi.
– Vous voulez travailler ma foi, en fait ? que je lâche, interloquée.
– On peut dire, ça oui.
Le Plie, c’est donc un organisme de conversion religieuse au néolibéralisme, que j’aurais pu rétorquer si j’avais pas eu la frousse comme une putain de Millenial de mes couilles. Et je sortis, hagarde, de ce premier rendez-vous avec une invitation à me faire soigner par une psy.

Octobre 2020, l’AFP relate que le nombre de chômeurs a baissé de 11,5 % au troisième trimestre. Quelques semaines plus tôt, les médias s’alarmaient d’une hausse de plus d’un million de nouveaux pauvres sur le territoire français. J’entre dans les cases, à première vue contradictoires, de ces deux données : après une dernière vacation dans l’Education nationale qui a pris fin durant le premier confinement, je n’ai pas pu ouvrir de droits au chômage suite à la nouvelle réforme entrée en vigueur en novembre 2019. Je ne suis donc plus chômeuse. Par ailleurs, je fais partie des nouveaux pauvres, précaires, RSArds. La solution préconisée par tous les organismes en périphérie de l’insertion, de Pôle Emploi au Plie en passant par Teef et tutti quanti, c’est l’initiative individuelle et la création de micro-entreprises. Je me souviens à présent d’une réponse expéditive de ma conseillère Pôle Emploi à qui j’avais fait part de mon arrêt des vacations. Sa réponse par courriel tenait en une question lacunaire : « Quand comptez-vous ouvrir votre activité non-salariée ? » Les chiffres du chômage baissent car les gens n’y sont plus inscrits (et/ou n’y ont plus droit), mais deviennent, malgré leur meilleure volonté et adaptabilité au marché de l’emploi, plus précaires.

Après quelques rendez-vous redondants au Plie, qui consistaient à me faire répéter mon parcours et à sonder mes envies, je me posais de sérieuses questions sur l’utilité du dispositif. J’avais l’impression d’être devant une conseillère d’orientation en manque d’imagination et qui venait de s’abonner à Psychologie magazine parce qu’elle se faisait chier dans son mariage. Mon accompagnateur, qui avait suivi une « formation de formateurs », ça ne s’invente pas, me demanda pourquoi je ne deviendrais pas formatrice en anglais ? Après lui avoir expliqué que malgré mes nombreuses candidatures dans le domaine, je ne trouvais rien, il se mit à pianoter dans l’outil de recherche Pôle Emploi. J’ai cru déceler une crispation dans son sourire. Les résultats affichaient uniquement des postes de « formateur à l’insertion ». Son taf, quoi. Pour lui épargner une méditation trop longue sur cet ouroboros de la machine de l’emploi, je réfléchis à une solution qui nous arrangerait tous les deux. Car je sentais bien un malaise poindre chez mon accompagnateur, malaise qui se manifestait sous la forme d’un excès de zèle. Le dynamisme au travail c’est le dernier rempart avant la dépression nerveuse, comme chacun sait (source : moi). Il fallait que je sauve cet homme.
Je me rappelais alors le premier rendez-vous où on m’avait informée que le Plie était un dispositif soutenu par l’ACCM. Cette dernière pouvait mettre des amendes si certains critères n’étaient pas respectés, m’avait-on glissé(8). Comment ça ? Les dispositifs à l’insertion par l’emploi étaient de mauvais élèves qui méritaient des punitions ? Manqueraient-ils d’assiduité ? Trop de bavardages avec les voisins ? En fait, il fallait que chaque personne soumise au dispositif soit convoquée au moins deux fois par mois auprès d’un accompagnateur du Plie, sans cela, ces derniers étaient voués à payer une amende conséquente. Mais alors… je comprenais ce qui motivait mes convocations aux entretiens ! Mon accompagnateur était moins soucieux de mon avenir professionnel que de la trésorerie de son administration ! Lui qui surveillait, pardon, qui supervisait mes démarches, était astreint au bon jugement de sa propre hiérarchie ! Le pauvre homme était lui aussi prisonnier de la machine impitoyable de l’Insertion ! Peut-être que lui son rêve, c’était d’être meneuse de revue ! Pas accompagnateur au Plie ! Nous participions en fait à la même mascarade (son imposture à lui était quand même mieux rémunérée) ! Il nous fallait trouver la porte de secours qui mènerait aux chemins fleuris de la liberté.

Micro-entrepreneuse, précaire intersidérale
J’effectuais alors un rapide calcul d’intérêts. Si le prix à payer pour être tranquille, ‘‘interrompre l’accompagnement’’ comme on dit au Plie, était la création d’une entreprise, c’était vite vu. Je deviendrais cheffe d’entreprise, ma foi. Mais pas de n’importe laquelle. Lors d’un énième entretien au Plie, j’exposai donc à mon accompagnateur slash meneuse-de-revue-refoulée quelle était ma deuxième vocation (l’astrologie traditionnelle hellénistique) en taisant la première (incarner dans un seul corps la résurrection d’Albert Cossery et de Bartleby). Je serai traductrice des étoiles.
Ma décision était prise : je mis à jour mon site internet, j’étudiai les tarifs des confrères et consœurs, je me surpris à reluquer des attachés cases sur les sites de vente en ligne, je bus des jus verts trois matins d’affilée, bref j’étais au taquet. Il suffisait maintenant que je m’inscrive à l’Urssaf et que je me jette dans le grand bain de l’autoexploi… euh, du travail indépendant. J’osai même me prêter au jeu et recourir au Plie pour qu’il m’accompagne dans mes « démarches d’accès à l’emploi » en demandant un financement pour un logiciel pro.
Après requête de Gérard auprès de sa cheffe au Département, le retour par téléphone est négatif. « On ne finance que les formations. Formations en anglais, Formations au permis de conduire. Formations de formateurs…, c’est comme ça ». Bon. Pas de logiciel. Mais j’accepte, par l’entremise de ce même Gérard, un « accompagnement à la mobilité » avec Transport mobilité solidaire (TMS), une autre association œuvrant pour le Plie. TMS est censé m’accompagner dans mes démarches du permis de conduire et me fait passer des sessions de code sur Skype. Mais le charme de la-mobilité-à-domicile-devant-son-ordi s’arrête un mois plus tard quand on m’annonce que TMS n’a plus de financement. Mes rendez-vous sont annulés du jour au lendemain, « on reprendra peut-être plus tard, si on a à nouveau des sous », me rassure mon interlocutrice par téléphone. Bon, pas de permis. Mais je finis par m’inscrire à l’Urssaf et je deviens micro-entrepreneuse en quelques clics. Trois mois plus tard, je devrai signer un nouveau CER, le RSA étant devenu un CDD reconductible au bon vouloir de l’économie de l’Insertion.

Un jour mon accompagnateur, fin pédagogue, me demande ce que représente le Plie à mes yeux. Il a posé la question comme s’il avait tendu un piège et je réponds avec la même assurance que quand le prof de maths m’envoyait au tableau : « C’est… c’est comme Pôle Emploi, mais euh pour les gens au RSA ? » (C’est simple, c’est là où mes rêves vont pour mourir, Gérard.) « C’est ce que les gens comprennent, mais ce n’est pas tout à fait ça… », répond-il, entretenant le mystère. Encore aujourd’hui, ces points de suspension flottent au-dessus de mon âme comme autant d’énigmes obscures et indéchiffrables. Si vous attendiez une chute à cette anecdote, il n’y en pas. Je voulais juste situer l’ambiance de mes entretiens.

Enfin voilà quoi, c’est ainsi, mesdames et messieurs, que j’ai fini par devenir entrepreneuse des étoiles, narratrice astrologique, précaire intersidérale et pauvre sidérée. Je ne suis plus une verrue de la société, un poids aux chevilles des honnêtes payeurs d’impôts, je suis utile moi aussi. Je suis toujours aussi mal payée, mais j’ai une activité. Je reste précaire, mais j’ai une carte de visite. Je lis votre avenir jusqu’à octobre 2022 au moins. ça vous coûtera 70 balles, mais promis, juré craché, je ne vous ferai rien signer et je ne vous formerai en RIEN. Quant à Gérard, s’il ne démissionne pas, s’il n’ouvre pas de cabaret, j’espère au moins qu’il va entreprendre un examen introspectif de ses désirs avec sa collègue psychologue.

 

1. HDR : Habilitation à diriger des recherches, le plus haut diplôme de l’enseignement supérieur, après le doctorat.

2. Je vous parle d’un temps que les moins de un an ne peuvent pas connaître.

3. L’addition s’il vous Plie
Le Plan local pour l’insertion et l’emploi est un document cosigné par l’Etat, la Région, le Département, la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) qui « se sont mobilisés autour de la communauté d’agglomération arlésienne (ACCM), dans un programme commun de soutien à l’emploi », indique le site de l’ACCM. Il est co-financé par la Région, le Département, l’ACCM et l’Europe via le Fonds social européen pour l’emploi.
Concrètement, l’ACCM lance un appel d’offres pour un marché d’ « accompagnement à l’emploi individualisé et renforcé vers l’emploi » pour un montant de 451 950 € par an nous apprend la délibération du conseil communautaire du 2 novembre 2020.
Le marché a été remporté par un groupement d’associations du territoire : Tarascon espace emploi famille (Teef), Delta sud formation, Accueil insertion alpilles (Atol) et Mission locale du Delta.
L’argent du marché sert essentiellement à financer des emplois d’accompagnateurs. Ils sont neuf comme Gérard sur le territoire de l’ACCM pour accompagner environ 750 personnes par an, soit « une file active moyenne de 60 personnes », indique l’appel à projet Plie 2021.
Le deuxième lot du marché public du Plie concerne la « prestation de relation entreprises », pour 3 équivalents temps plein en échange de 156 000 €. Il a été remporté par la CCI, la régie de quartier, l’entreprise d’insertion Regards et Initiative Pays d’Arles, association d’aide à la création, la croissance ou reprise d’entreprises (financée sur fonds publics).

4. Service de ‘‘Nouvelle astrologie narrative’’ par Alexandra Le Meur. Lecture de la carte natale (90€), analyses prévisionnelles sur l’année à venir (70€). Natale + prévisionnelle : 140€. Les petits revenus (et compagnons de galère) mettent ce qu’il veulent.
Rendez-vous via nouvelleastronarrative.fr, facebook et insta.

5. Boulot de merde, du cireur au trader, enquête sur l’utilité et la nuisance sociale des métiers. Julien Brygo et Olivier Cyran, La Découverte, 2016.

6. « Selon une étude, il faudrait travailler 9h par semaine pour stopper le réchauffement climatique ! », Grazia, 20 décembre 2020.

7. « A Arles, le chômage en hausse mais des recrutements à venir », La Provence, 25 janvier 2021.

8. Des pénalités pour Gérard !
Le marché, d’« accompagnement à l’emploi individualisé et renforcé vers l’emploi », prévoit trois rendez-vous physiques ou téléphoniques par mois et des « pénalités si le rythme des rendez-vous n’est pas respecté », nous apprend la délibération du conseil communautaire du 4 novembre 2020. Le tarif, c’est une pénalité de 500 € par personne pas assez accompagnée.
Le nombre de rendez-vous est passé à deux minimum en 2019 « considérant l’augmentation significative du nombre de demandeurs d’emploi accompagnés ». En 2019, sur les 809 personnes accompagnées, 148 sont sous le seuil des trois rendez-vous mensuels et 52 moins de deux. L’ACCM a voté une remise gracieuse portant les pénalités de 74 000 € à 26 000 € à régler par le groupement lauréat du marché (Teef, Delta sud formation, Atol et la mission locale du Delta).

 

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l’Arlésienne n°18 – hiver 2024