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L’erreur de Carolis sur les grands enjeux des Marais du Vigueirat

L’erreur de Carolis sur les grands enjeux des Marais du Vigueirat

Lors du conseil municipal du 6 novembre, le maire affirmait que la décision de l’adossement des Marais du Vigueirat au groupe SOS serait débattue alors qu’elle était votée depuis 1 mois.

« Nous ne savons même pas si c’est le groupe SOS ou pas qui prendra les rênes des Marais du Vigueirat », affirmait Patrick de Carolis le 6 novembre en plein conseil municipal. « Nous aurons le temps de nous re-pencher là-dessus », promettait le maire en réponse à l’opposition avant de s’enthousiasmer : « Tiens, je m’y engage, nous pouvons faire une commission thématique et je vous y inviterai », répondait-il à Jean-Frédéric Déjean, conseiller municipal d’opposition qui posait la question au détour d’une délibération sur le canal du Vigueirat.

Sauf que, depuis un mois et l’assemblée générale de l’association des Marais du Viguierat, la filiation au Groupe SOS a été votée. Et deux adjoints au maire étaient présents au vote qui a entériné ce choix. Et ce vote n’était pas anodin, le groupe SOS est une entreprise privée dont la taille(1), l’idéologie(2) et les pratiques posent question pour l’avenir de la gestion d’un espace naturel : lire Marais du Vigueirat : boudés par le public, courtisés par le groupe SOS.


Conseil Municipal du 6 novembre source : Ville d’Arles.

Le 6 octobre, lors de cette assemblée générale extraordinaire la ville d’Arles – 2 voix sur 15 au conseil d’administration – était représentée par Catherine Balguerie, l’adjointe à la transition et Sébastien Abonneau, adjoint au tourisme. Les deux élus se sont abstenus pour le vote qui a validé la filialisation des Marais au groupe SOS. Mais lors du conseil municipal un mois plus tard, les deux élus n’ont pas pris la parole pour rectifier Patrick de Carolis. Même quand le maire a lancé  la perche à « Mme Balguerie, si elle veut compléter ma réponse ». Les élus se sont tus.

Bref, Patrick de Carolis s’est trompé. Simple erreur due à la tension du direct et la pression des 11 spectateurs sur internet ? Méconnaissance du sujet ? Mauvaise communication entre les adjoints et le maire ? Pris de court par une question de l’opposition, cette erreur permettrait de gagner du temps pour organiser une communication plus propre et soignée ? Cette embrouille autour des dates permettrait de ne pas expliquer à la va-vite, entre deux délibérations, que la Ville lâche sa part dans la gouvernance d’un outils qu’elle finance depuis 20 ans au profit d’un groupe privé ?

« Une simple erreur dans les mots », explique-t-on aux relations presses de la ville avant d’ajouter « bien sûr qu’il était au courant que les Marais était désormais au groupe SOS ». Selon le service de presse, Patrick de Carolis aurait confondu avec d’autres enjeux concernant les Marais du Vigueirat. Effectivement, si les Marais sont désormais gérés comme une filiale du groupe SOS, la mairie et l’ACCM financent toujours (en 2020, Ville : 218 000 euros ACCM : 184 000. En 2019, Ville : 184 000 euros ACCM : 97 000). Les collectivités auront des arguments à faire valoir pour orienter le devenir des Marais. « L’objectif est de rester sur l’insertion professionnelle, la gestion de l’environnement et le tourisme durable », nous explique Catherine Balguerie.

Pourquoi la ville s’est abstenue lors du vote ? Quelle position a-t-elle tenue pendant qu’il était encore temps de garder une main sur la gestion des Marais ? Quels problèmes financiers ont poussé l’association à se tourner vers le groupe SOS ? Quels sont les engagements pris par le groupe SOS ? Nous reviendrons sur ces questions lors d’une prochaine édition.

Eric Besatti

1 : Qu’est ce que le groupe SOS ?
Le groupe SOS est une entreprise privée sans actionnaire qui repose sur quatre associations de l’économie sociale et solidaire (ESS) ayant ensemble près de 550 filiales-associations à travers la France et à l’étranger, un groupe qui pèse à présent environ 910 millions d’euros de chiffre d’affaires selon leur plaquette de présentation. Le groupe SOS est déjà présent à Arles via trois filiales : la Maison Jaune, un centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), Acta Vista, association d’insertion par la restauration de monuments historiques et les Lauriers à Mas-Thibert, une unité d’accueil pour sortants de prison avec relais médico-sociaux.

2 : L’entreprenariat social décomplexé
Extrait de l’article : Marais du Vigueirat : boudés par le public, courtisés par le groupe SOS.
Afin de mieux appréhender la stratégie du groupe SOS, la parole du président du directoire du groupe SOS est éclairante. Jean-Marc Borello est né à Aix-en-Provence et est co-fondateur du mouvement En marche ! avec l’actuel président de la République (et actuel membre du bureau exécutif LREM). Il affiche une vision « décomplexée » de l’entreprenariat social. Il a publié différents ouvrages présentant les valeurs du groupe qu’il a fait grandir depuis 1984. Dans Pour un capitalisme d’intérêt général, il défend un capitalisme non lucratif : « De nouveaux acteurs économiques vont jouer leur rôle, relayant le secteur public qui n’en sera plus le seul responsable. A côté du secteur lucratif (privé), le capitalisme non lucratif peut prendre le relais du secteur public et apportera des solutions non polémiques », (Pour un capitalisme d’intérêt général, Jean-Marc Borello, éd. Débats Publics, 2017). Ce dernier point pose une question : le déploiement d’un groupe dans autant de domaines cruciaux de la société (médico-social, solidarité, environnement, senior, jeunesse…) est-il un danger pour l’expérimentation des « solutions polémiques » ?

Dans une interview promotionnelle menée par le journaliste-star Patrick Poivre d’Arvor (visionnable en ligne), M. Borello développe. Pour changer les choses, « les politiques peuvent donner le cap. Ensuite, il y a l’exécution. Je ne suis pas persuadé que dans l’exécution, l’appareil public soit toujours le plus efficient, le moins cher (…) L’exécution peut parfaitement être confiée à des entreprises (…) Le groupe SOS a la capacité de changer très vite de cap [si changement politique il y a]. » Un changement politique pourra ainsi facilement être transposé au sein du groupe, sans qu’il y ait de Gaulois réfractaires tandis qu’il appelle la discussion et le consensus au sein d’un conseil d’administration d’une association.

Dans les épisodes précédents :

L'Arlésienne : gazette – gazette – anisette

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