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Quand Capitani s’apprête à s’engraisser sur le dos d’Actes Sud

Quand Capitani s’apprête à s’engraisser sur le dos d’Actes Sud

Le propriétaire immobilier veut vendre à Actes Sud ses locaux dans lesquels sont installées les éditions et la librairie. Des centaines de mètres carrés de bureaux seraient vendus au prix de l’habitation pour maximiser les profits. Facile de négocier quand on est à la fois le vendeur et l’acheteur.

L’information est consignée dans un document interne adressé à tous les employés d’Actes Sud : la newsletter du Comité social et économique (CSE). Elle relate les échanges entre les représentants des salariés et la direction au sujet du « rachat des locaux arlésiens ». Les employés y apparaissent circonspects, voire agacés. Leur direction a choisi d’acheter au prix très fort les locaux qu’ils occupent sans même négocier avec le propriétaire. La direction, c’est le couple Capitani, nous apprend l’annuaire d’entreprise societe.com, un annuaire d’entreprises. Si Françoise Capitani (Françoise Nyssen, à la ville) est présidente du directoire, Capitani Jean-Paul, lui, est président du Conseil de surveillance. Et côté propriétaire ? C’est la SCI Saint-Martin. Dont Jean-Paul détient 441 parts sur les 442 de la société. Et la dernière part, c’est pour qui ? C’est pour Françoise ! Une pareille convergence d’intérêts entre les propriétaires des lieux et la direction d’Actes Sud fait craindre aux employés que l’opération se fasse au détriment des intérêts de l’entreprise. Pour l’heure, la direction, dont le représentant n’est pas nommé dans le document, rassure sur l’état financier de l’entreprise à court terme : « En termes de trésorerie, avec le prêt garanti par l’Etat, on a un niveau confortable, on peut se permettre cet achat. »

Le projet de la direction d’Actes Sud, c’est d’acheter tout le complexe culturel du Méjan posté sur les bords du Rhône. Le Méjan, c’est-à-dire la librairie et les bureaux des éditions Actes Sud, les bureaux de l’association du Méjan, mais aussi les cinémas Actes Sud, le restaurant, le hammam ou encore la chapelle du Méjan. « Quel est l’intérêt pour Actes Sud d’acheter des cinémas ? » questionnent les représentants élus des salariés. « En terme d’immobilier, il semble intéressant de ne pas dissocier cet élément de l’acquisition », répond la direction. La direction évoque l’hypothèse selon laquelle Actes Sud serait « amené à revendre le complexe immobilier ». « D’autre part, il est possible d’envisager des projets de sous-location. » Avec cet achat, Actes Sud ne paierait plus de loyer à Jean-Paul Capitani, mais serait propriétaire et rembourserait les traites de son emprunt. Ce qui, sur le long terme, ne serait pas un mauvais plan si le prix d’achat était raisonnable.

La main droite négocie avec la main gauche
Toute la surface achetée ne sera pas directement utile à l’entreprise, mais ce n’est pas vraiment ce qui dérange les salariés. Leurs questions sont orientées vers le montant de la transaction. « Le principe de prix de marché a-t-il été respecté ? », questionnent les représentants. Pour la direction, le coût s’explique par le choix de se baser sur le prix de locaux à usage d’habitation et non sur celui – beaucoup moins onéreux – de locaux professionnels. 800€ le mètre carré contre 1400 € souligne le CSE. « Les biens achetés peuvent être revendus à destination d’habitation. Il n’est donc pas anormal d’acheter ces biens dans une fourchette correspondante », ne se démonte pas la direction. « Les prix des bureaux ou des locaux à usage d’habitation vont du simple au double », enfoncent les représentants des salariés. « On l’achète à ce prix parce qu’on nous le vend à ce prix », ose le ou la représentante de la direction. C’est donc sciemment et unilatéralement que le couple Capitani choisit de vendre au prix fort les locaux et d’endetter au maximum les éditions.

L’argument de la justification du prix justifié par une hypothétique revente pour usage d’habitation est ténu. Les élus des salariés soulignent la nécessité de réalisation de travaux de remise aux normes en cas de revente. Ceux qui connaissent la librairie, le hammam, le restaurant et surtout les bureaux aux étages savent que transformer les bureaux en habitation demanderait de lourdes transformations. Sans oublier que les fuites à l’intérieur du bâtiment sont fréquentes. Au Méjan, quand il pleut, on sort la serpillière. Problème, les locaux seraient rachetés par Actes Sud en l’état, et charge à la maison d’édition de réaliser les rénovations : « Les fenêtres et la toiture constituent les deux chantiers prioritaires en matière de travaux après l’acquisition », confirme la direction. Oui, les travaux de remise aux normes se feront avec l’argent de l’entreprise.

Le pâté de maisons du Méjan où sont hébergés les éditions et la librairie Actes sud ainsi que le hammam, le restaurant et le cinéma appartient
à la SCI Saint-Martin de Jean-Paul Capitani. Le projet est de vendre l’ensemble, au prix fort, à l’entreprise Actes Sud.

Les vases communicants
La direction promet qu’un « audit a été réalisé pour évaluer le prix, avec une évaluation rigoureuse de l’état des locaux ». C’est-à-dire ? Les salariés veulent en savoir plus… « Y-a-t-il eu un commissaire aux apports ? », questionnent-ils. Un commissaire, c’est quelqu’un qui s’assure de l’équité d’une transaction. « Il n’y a pas eu de commissaire aux apports », répond sobrement la direction. Si on peut faire confiance à la direction d’Actes Sud, c’est pour ne pas flouer les propriétaires lors de la vente. Les salariés, habitués à accepter des salaires bas pour défendre la cause de « la maison », sont nombreux à être agacés par la voracité du couple Capitani(1). Parce que si les propriétaires des locaux et des éditions sont dissociés administrativement, ce sont bel et bien les mêmes personnes. Par un effet de vases communicants, endetter Actes Sud, c’est enrichir Jean-Paul et Françoise Capitani.

Eric Besatti

1. Grâce à sa holding Le Rosier, les époux Capitani ont reçu chacun 230 000 euros de dividendes en 2016, apprend-on grâce à la déclaration d’intérêts de l’époque où Françoise Nyssen était ministre. Source : ‘‘L’aspirateur à dividendes de Françoise Nyssen’’, Marianne.fr, 17 juillet 2018

NB : Contactée, la direction d’Actes Sud n’a pas donné suite à notre demande d’entretien.

 

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